Rock Made in France

Nanogramme, Agence web paris nice, application web et mobile

Actu

Laurent Ciron des Dogs : « L’époque n’était pas au vinyle, au rock’n’ roll non plus ! »

Sortie en 1998, l’avant dernier album studio des Dogs, “Four of a kind Vol 1” est réédité en vinyle. Soyons précis : à l’époque, 200 exemplaires promo avaient été pressés en vinyle. Certains journalistes s’en souviennent encore. Aujourd’hui, pour le Disquaire Day, 500 exemplaires numérotés sont de retour. Un voyage dans le temps que l’on doit, entre autres, au dernier guitariste des chiens de Rouen : Laurent Ciron.

DOGS

Laurent Ciron a été guitariste des Dogs de 1996 à 2002. Pour lui, le groupe redevenait un quatuor après 3 ans d’une disette power trio, toujours assez rare dans la carrière du groupe. Lui, le fan des Dogs depuis toujours se retrouvait à jouer aux côtés de Dominique Laboubée. Histoire incroyable d’un rêve devenu réalité. Et c’est avec lui que le combo sortira ses deux derniers albums studio « Four of a kind Vol 1 » en 1998 et « 4 Of A Kind Vol. 2 – A Different Kind » un an plus tard. Si pour Laurent Ciron, la vie ne s’arrête pas là, il reste cependant très marqué par l’aventure et la rencontre avec un leader charismatique, dont la discrétion et l’élégance tracent encore la légende de la formation. L’émotion est palpable, voire visible, lorsque les souvenirs remontent à la surface, que ce soit la première audition de Laurent dans la cave des parents de Dominique ou la tournée dramatique de 2002 à New York. Laurent Ciron se souvient.

Pourquoi cette réédition de l’album en 2023 ?
Laurent Ciron :
Remontons dans le temps. Quand fin 1996, j’ai présenté le producteur Jean Gamet, à Dominique, il n’y croyait pas. Faire un nouveau disque des Dogs n’était pas au programme. Tout le groupe a été étonné de découvrir un type qui tenait parole. A l’époque, quand le disque est sorti, Jean insistait pour sortir une édition vinyle pour la promo.

Une époque qui n’était pourtant pas au vinyle !
LC. :
Non seulement l’époque n’était pas au vinyle, mais elle n’était pas au rock’n’ roll ! On beignait dans l’électro, le hip hop et les chanteuses à voix !

Il les a sortis pour lui ?
L.C.
 : Comment te dire… Est-ce qu’un vrai producteur ne doit pas faire ça ? Miser sur le plaisir en imaginant que ça sera partagé par et avec d’autres personnes ? C’est comme ça qu’il décide de sortir l’album en 33t avec les deux CD à l’intérieur pour tous ceux qui n’avaient pas de platines vinyle. Je crois que l’album a été pressé à 200 exemplaires avec une gravure hyper soignée. C’est Raphaël Jonin qui s’en était occupé.

En 2023, c’est un double vinyle ?
L.C. :
Non.  Pour Dominique, depuis le début des Dogs, il était inconcevable que des titres chantés en français se retrouvent sur le même disque que les morceaux en anglais. D’où les deux CD à l’époque. Et l’absence de « Jenny Jane » sur le vinyle de l’époque. Imagine un peu la discussion avec Jean ! Ce qui explique la superbe version CD qui s’ouvre sur les deux disques. Pour la réédition, 20 ans après, on a respecté cette règle. Donc un seul vinyle pour répondre à ta question.
Pour la réédition, Jean m’a demandé si je voulais m’en occuper. Moi, j’ai joué dans les Dogs, j’ai fait des disques ensuite… Et j’ai disparu des radars. Après réflexion, j’ai accepté et contacté Phil de la Manufacture de Vinyles pour voir combien ça coûterait. En parallèle, il avait monté un label. On a fait d’une pierre deux coups en signant la réédition chez lui. Le seul truc, c’est que ça aurait dû sortir il y a un an pour les 20 ans de la mort de Dominique…  Mais il était sur l’album de Jean-Pierre Kalfon et comme il fait les choses bien, mais aujourd’hui quand je vois le résultat, je ne regrette pas.

Pourquoi à l’époque ce volume 1 et ensuite un volume 2 ?
LC. :
On était parti sur un double album. Et puis Night & Day, chez qui on avait signé, a préféré sortir deux simples.

Et aujourd’hui, s’il s’agit à nouveau d’un simple album, il manque le titre en français ?
L.C. :
Voilà. En gros, on va continuer la suite de cette période avec le volume 2 et peut-être un live. Mais il faut encore réfléchir : il y a 29 titres. A l’époque, on avait eu que 12 jours de budget pour mixer et donc on n’a pas mixé 10 ou 12 titres. Dans le cadre de la ressortie, puisque les 29 titres ne tiendront pas en 2 vinyles, mais en 3, il restera un peu de place pour de nouveaux morceaux ! Bon, tout ça est en cours. Il faut aussi résoudre les problèmes techniques de compatibilité avec les bandes de l’époque…
Déjà sur le Volume 2, certains morceaux étaient en public, notamment les 3 titres en français dont « Fier de ne rien faire » qui annonçait un futur live. Ce qui fait qu’on sortira le volume 2 en simple album également et qu’il y aura un 45t 4 titres avec Janny Jane du Volume 1. Ce n’est pas vintage correct, mais bon… Pour l’instant tout se discute encore avec Christian Rosset et Bruno Lefaivre.

Cette réédition est attendue par les fans ?
L.C.
 : Avant de faire la réédition vinyle, j’ai appelé mes potes disquaires : Dangerhouse à Lyon, Lollipop à Marseille et Rockin’’Bones à Rennes. Des disquaires purs vinyle et qui avaient vu les Dogs à cette époque. Et ils m’ont dit tous les trois unanimes : quand nous, on a un disque d’occas’ des Dogs, il reste 5 minutes en bac ! C’était la bonne nouvelle !

Pourquoi 500 exemplaires seulement en ce cas ?
LC. :
Il faudrait voir avec Phil… Je pense qu’on est sur des structures industrielles artisanales. Il ne prend pas le risque de faire du stock. Quitte à represser pour ne pas mettre en péril son label. Et puis, peut-être qu’aujourd’hui, plus qu’avant, le sens du privilège est important. D’où le fait qu’ils soient numérotés. Tout comme on s’est posé la question d’une réédition CD. Mais à l’heure du streaming, on s’est dit que ça ne valait pas le coup. Tous les disques des Dogs sont sur les plateformes.

Tu possèdes disque N°1 de la réédition ?
L.C. :
Alors… Phil possède le N°1 et j’ai le N°2. C’est salaud, il aurait pu faire un N°1bis (rire) ! Tu vois, même si c’est à l’occasion de la mort de Dominique, on reste dans un bon esprit. Tu sais, « la mélancolie, c’est le bonheur d’être triste ». Reparler de ces moments, c’est douloureux, mais ça m’a aussi permis de reprendre contact avec les deux autres membres du groupe, Bruno et Christian. Bruno, je n’avais plus trop de nouvelles. Quant à Christian, on a joué ensemble dans les Cinders en 2007 / 2008.

Comment as-tu intégré les Dogs ?
L.C. : Je faisais de la musique au sein des Bookmakers, un groupe de 60’s garage. On s’entendait bien, mais on manquait d’ambition. Fin juin 1992, j’arrête pour intégrer une école de musique à Lyon. Je voulais vraiment apprendre la musique ! Les études finies, je m’installe à Paris sur les conseils de Jangil Callas, d’Electric Callas. Comme j’étais avant tout caméraman reporter, je trouve facilement du boulot. Sans pour autant arrêter la musique au sein de formations locales. Pourtant, après une nuit d’insomnie, en octobre 1995, je me décide et j’appelle Dominique Laboubée. Au culot ! Je prends mon téléphone, je fais les renseignements, et je demande à parler à Dominique Laboubée à Rouen. La standardiste me dit qu’elle a une Jeanine Laboubée à Mont Saint-Aignan. Je dis OK. Le téléphone sonne et une dame décroche. Je demande à parler à Dominique, elle me répond : ne bougez pas, il est dans la cave ! Je suis comme un fou. Je me présente en lui rappelant qu’on s’était quand même croisé plusieurs fois. J’avais fait quelques premières parties de Dogs et filmé le groupe à Lyon. Mais je n’avais jamais interagi avec Dominique. Je lui propose mes services comme deuxième guitariste. Et là, c’est fou, il me dit que lors de la répétition de la veille, ils se demandaient si ce n’était pas le moment de prendre un guitariste. Trois heures plus tard, on discutait encore !

Comment se passe la première rencontre ?
L.C. :
A la fin du coup de fil, on prend rendez-vous deux semaines plus tard sur Paris où il devait venir pour un hommage à John Lennon. On se voit et on se met d’accord sur une trentaine de morceaux à apprendre pour une répétition 15 jours plus tard. Et là, je peux te dire que j’ai bossé ! Je suis fan des Dogs depuis le début. Et non seulement j’ai travaillé les morceaux de la liste, mais tout le répertoire du groupe. Car on ne t’évalue pas sur ces titres, mais autour et sur ta capacité à intégrer les autres morceaux. Je m’étais renseigné sur la set list de leur live, comme ça, quand tu arrives tu joues d’autres titres et ils se disent : ah, avec lui, on peut jouer dès demain. Bref, j’arrive en ayant travaillé tous les titres des Dogs ! J’avais passé les 2 semaines à tout retranscrire. Plus de 60 morceaux. On descend dans la cave, je me branche et on répète. Et là, Dominique jouait fort sur 3 amplis. Moi j’avais le petit jazz Chorus, très bien pour les arpèges et la pop ! Mais, il devait avoir l’habitude : il m’entendait bien. Moi, rien du tout ! C’était supersonique. Si j’ai les oreilles qui sifflent ça date de cette époque. On joue 10, 20, 30 morceaux. Une pause et on continue. Puis au bout d’un moment ça discute comme tous les groupes qui répètent, ça tchatche. Au final, on enquille plus de 50 morceaux… Putain ! c’était bon ! C’est comme ça que ça s’est fait, après une bière au bar d’à côté, on s’est fait la bise et on s’est dit à la semaine prochaine.

C’est aussi simple que ça ?
LC. :
Oui, dès le premier jour, j’ai eu l’impression de jouer avec eux depuis 20 ans. Engueulades y compris ! Les vrais groupes, c’est comme ça, un truc de potes. Dominique aurait pu prendre un mec connu, Mais non. Il choisit le gars qui l’appelle, il m’a essayé et ça l’a fait.

Tu as composé pour les Dogs ?
L.C. :
Oui. Mais le problème avec Dominique, c’était les solos de guitare. Fallait négocier, mais pas comme on l’imagine. Fallait négocier pour que Dominique les fasse ! Je me rappelle que sur « Dead girl don’t talk », c’est lui qui prenait le solo. Au moment du studio, Dominique et moi on était resté. On faisait des tas d’essais. Le fameux solo était à jouer. Je me place derrière la console et j’enregistre Dominique. Il me restait 3 pistes pour 3 solos. Une piste test où il envoie le solo puis les 2 autres dans des versions travaillées et réfléchies. A l’écoute, c’est évidemment le premier qu’il a préféré alors qu’il m’avait demandé de ne pas l’enregistrer. Pour revenir à ta question, oui, on a beaucoup composé ensemble, même si c’est Dominique qui amenait les bases des morceaux.

Et la fameuse tournée tragique aux Etats Unis… L’état de santé de Dominique Laboubée était déjà fragile ?
L.C. :
J’avais rencontré Jeff Crane alors qu’il tournait en Europe avec Freddy Linxx, un ancien Jet Boys. Je remplaçais leur bassiste pour la tournée. Je m’entends bien avec Jeff qui me propose qu’on fasse une tournée ensemble aux Etats Unis, son groupe et les Dogs. J’en parle aux autres et première question : comment financer la tournée ? Je leur dis : pas de problème, je peux faire l’avance puisque je vais filmer la coupe du monde de foot en Corée. Et puis, on tournait à nouveau en Europe. On était reparti ! Tout allait bien. J’achète les billets, loue la voiture, etc. Je pars filmer la Coupe du monde en juin / juillet et là j’apprends que le batteur Bruno a accepté un contrat de travail en septembre. On ne peut donc plus partir. J’ai un excellent copain batteur – Richie – qui prend la relève. On commence à répéter mi-août. Et là, je constate que Dominique est fatigué. Christian aussi le trouvait moins bien… Mais on avait mis ça sur le compte du décès de sa mère l’année précédente. Et comme à chaque répétition, il retrouvait la forme… Plusieurs fois durant ces répétitions, je dis à Dominique devant tout le monde qu’on pouvait annuler la tournée : j’avais pris des assurances. Il refuse. On avait bien constaté qu’il buvait du Coca et plus de bière, mais bon… Dominique retourne voir son médecin et nous dit « ça va aller ! ». On part aux Etats Unis et on voit qu’il avait du mal à marcher. *

Et arrive la première date de la tournée…
L.C :
Oui, on fait la première date. On joue l’instrumental d’intro et dès le premier couplet du second morceau, Dominique m’indique qu’il n’en peut plus… Je termine le concert et prenant le chant de quelques morceaux que je connaissais, cinq ou six. Après le concert, je vais voir Dominique et je constate qu’il n’est pas bien. Pendant deux jours, il reste dans sa chambre au calme. Et même s’il nous demande de continuer, on prend la décision de l’emmener à l’hôpital. De là, les médecins décident de le garder. Pendant 6 jours on passe le voir tous les jours et on continue les concerts. Il était sous perfusion : il ne mangeait plus. Et comme on l’empêche de fumer, il déborde d’énergie. Pourtant, les médecins décident de le mettre dans un coma artificiel. Evidemment, dans nos dernières conversations, il nous demande faire les concerts, « on est là pour jouer ! ». Et puis, pour nous, dans 15 jours, Dominique est sorti ! Les médecins passent un scanner et voient une tache sur le poumon. Là, tout change, car l’anesthésiste trouve Dominique trop faible pour garantir l’opération. Là, tout s’accélère. On décide de téléphoner à la sœur de Dominique. Et c’est moi qui l’appelle. Je lui dit : « Catherine, si tu veux voir ton frère vivant, c’est maintenant qu’il faut venir. » Personne n’est préparé à ça. Et je me sens coupable, c’est moi qui ai organisé la tournée ! Dominique est mort d’un cancer des poumons. Les machines qui le tenaient en vie ont été arrêtées le jour et à l’heure où sa maman a disparu. C’est le seul truc intelligent qu’on ait fait…On était tous près de lui. Et là, mon monde, mon rêve s’effondre.

La suite a été compliquée ?
LC. :
Après j’ai surbossé. Tant pour la musique, les Cinders, que pour France 2. Entre temps, j’avais fait l’école de journalisme du CFPJ. J’étais déjà à France Télévision pendant les Dogs, mais là je me noie dans la réalisation de reportages jusqu’en 2006. Durant, ces années, j’ai dû passer 15 jours par an chez moi.

Hervé Devallan
« 4 of a kind – Vol.1 » (Deviation Records) – 500 exemplaires numérotés

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Abonnez-vous à notre newsletter

Retrouvez nous sur Facebook

    Les bonnes infos





    Les bonnes adresses