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Louise Verneuil : une chanteuse qui éclate les cadres.

Passée de façon éphémère par la première édition de The Voice en 2012, Louise Verneuil a pris son temps et quelques chemins de traverses avant de publier son premier album dénommé Lumière Noire (Fontana) sorti en plein confinement. Un disque pop/folk chanté en français où l’on croise l’ombre bienveillante de Gainsbourg mais où l’on capte aussi des échos rustiques de Jean-Louis Murat ou de groupes américains un peu perchés comme Other Lives.

Vous êtes aujourd’hui à Londres avec votre amoureux (Alex Turner, du groupe Artic Monkeys) mais avant vous avez vécu à Paris huit ans. En avez-vous profité pour passer dans cette rue où a vécu Serge Gainsbourg, la fameuse rue de Verneuil que vous avez choisie comme nom de scène ?
Louise Verneuil : Bien sûr. Et avant même de devenir Louise Verneuil (elle s’appelle Pauline Louise Benattar). Pour moi qui suis une inconditionnelle de Gainsbourg, en particulier de l’album Histoire de Melody Nelson, cet endroit c’est un peu de l’âme de Paris. J’avais l’habitude de m’y rendre avec une amie en pèlerinage. J’allumais une clope, je caressais le mur de sa maison couvert de graffiti comme si je pouvais en capturer quelque chose. Ma grand-mère me disait toujours que les murs absorbaient et retenaient quelque chose de nos vies. Quand j’ai signé mon contrat avec ma maison de disques, j’y suis retournée juste pour toucher la grille. Chez moi, dans ma maison, la première chose que j’ai mise en valeur, c’est un vieil exemplaire de Melody Nelson. Comme si cet album précis aussi avait une âme.

On cite énormément de références vous concernant. Vous-même vous assumez totalement celle de Gainsbourg, mais les autres ?
Louise Verneuil : Je ne me suis jamais dit : « Je veux faire, ou je veux sonner comme untel ou untel. » Je veux juste rester fidèle à ce que je suis. Mais si on me parle de Marianne Faithfull ou de Patti Smith, je suis forcément flattée. Comme lorsqu’on cite Gainsbourg à propos de ma chanson Nicotine (sortie d’abord en single en 2018). Mais en studio, je ne cherche à singer personne. C’est vrai, c’est évident même que toutes ces références sont là, j’espère un peu cachées, dissimulées, digérées dans ma musique.

Comme Sting, vous avez récupéré très jeune la guitare d’un oncle. Est-ce votre instrument de prédilection ? Quelle est la première chanson que vous ayez écrite dessus ?
Louise Verneuil : Je ne savais pas pour Sting… C’est une histoire qui arrive à beaucoup de musiciens. Moi, c’est le petit frère de mon père qui est mort jeune. Il était musicien. J’ai repéré sa guitare, je devais avoir huit ans. J’ai commencé à en jouer, j’en avais douze. Pour moi, cette guitare est comme une icône. Je n’en ai jamais changé les cordes, elles sont rouillées, mais je la conserve comme un gri gri, un fétiche. Il me suffit de la regarder et cela me renvoie à mon enfance, à des émotions de cette époque.

Votre album, Lumière Noire, évoque des grands espaces avec ces ambiances pop/folk symphoniques comme sur le titre L’Evadée Belle. Pourtant, toutes les chansons ont été écrites à Paris. Était-ce conscient, comme une forme d’évasion ou est-ce moi qui interprète ?
Louise Verneuil : Non, c’est ça. Je manquais tellement d’horizons à Paris dans tous les sens du terme que je pense que c’est une forme de projection. C’est comme un déclic, une catharsis qui m’a permis de rendre hommage à mes racines. Je viens du sud. La chaleur, le soleil, la nature, j’y suis très sensible. J’avais la nostalgie des grandes tablées de mon enfance avec ma grand-mère. Ce titre, Lumière Noire, il raconte aussi toute cette ambivalence. Quand ma famille a quitté l’Ariège pour Antibes, nous sommes repartis de zéro. Je ressuscite cette époque en quelque sorte avec ce disque.

Des titres comme Fugitif, ou L’Evadée Belle, évoquent avec leurs guitares, leurs chœurs évanescents, et leurs sonorités folk et flottantes la musique d’un groupe texan comme Other Lives…
Louise Verneuil : Vous trouvez ? C’est amusant, il est prévu que je joue avec eux en concert. Je suis ravie d’entendre ça.

Pour partir sur complétement autre chose, qu’est-ce que vous a apporté votre passage dans The Voice en 2012 ?
Louise Verneuil : J’étais vraiment le cliché de la fille du sud qui débarque à Paris, au milieu d’un nid de crabes géants. Je ne connaissais personne, je galérais. Je me disais qu’il fallait que je m’accroche. Personne ne m’attendait au tournant et il semblait que participer à un télé-crochet était un passage obligé pour se faire entendre des maisons de disques. J’y suis allée. Comme un défi. De façon spontanée. Entre le moment où je me suis décidée et l’audition, il a dû se passer à peine une heure. C’était la première année de The Voice. J’étais au milieu de gros performers. J’ai serré les dents. L’émission avait besoin de personnages, et fonctionnait beaucoup grâce aux réseaux sociaux. Le fait d’être choisie par Louis Bertignac m’a donné une certaine confiance, un petit statut. Après l’émission, on me proposait plein de textes mais rien ne m’allait. C’est Louis qui m’a encouragé à écrire mes propres chansons : « Faut que tu chantes tes textes ! » m’a-t-il dit. Je n’y connaissais rien, j’écrivais juste un peu de poésie. Je me suis lancée. En parallèle, je travaillais comme attachée de presse dans le milieu de l’art mais ça ne me plaisait pas.

Quand, dans la presse notamment dans Elle, on lit que vous êtes une sorte de néo yéyé, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Louise Verneuil : Néo yéyé ? Si c’est l’esprit de Salut Les Copains et tout ça, je ne retrouve pas du tout ça sur mon album. Enfin, je ne crois pas. Bien sûr que les sixties m’attirent mais plus que la musique de Françoise Hardy, c’est sa réputation, son caractère, sa façon de savoir dire non. J’aime tout ça en elle. Quitte à être têtue, et je le suis, autant être comparée à Françoise Hardy.

Votre musique est sensuelle, visuelle aussi d’une certaine façon. Prêtez-vous une attention particulière à votre look, vos pochettes, vos clips ?
Louise Verneuil : J’ai créé cet avatar, Louise Verneuil, pour me protéger. Louise, c’est le nom de ma grand-mère et Verneuil pour la rue de Verneuil, en allusion à Gainsbourg.  Mais au fil du temps, je m’aperçois que j’ai fini par fusionner avec cette identité. A 31 ans, Louise Verneuil, c’est bien moi. Donc, oui, je prête une attention à mon look, aux visuels qui accompagnent mon travail. La photo du single de Love Corail, est par exemple une capture d’écran tirée du vidéo-clip. Je ne joue pas un rôle, je ne joue pas à être Louise Verneuil. Ma façon de m’habiller, les fripes à l’ancienne, les blouses, les références vintage, ce sont vraiment des choses qui me plaisent, me permettent de m’incarner, de me sentir bien. Louise Verneuil, c’est très spontané mais c’est aussi le fruit d’un processus créatif et hasardeux. Des accidents que je m’accapare.

S’il n’y avait qu’une seule chanson que vous aviez écrite, laquelle retiendriez-vous ?
Louise Verneuil : Une seule ? Sans doute Love Corail. C’est la première chanson qui a réussi à réunir, à capter tout ce qui se passait en moi. J’aurai adoré la composer. La première que j’ai vraiment composée, c’est L’Evadée Belle. Le déclic, c’était l’image de ma mère marchant dans le jardin pour étendre le linge. Pour moi, il y a de la sensualité et un sentiment d’être comblée.

Vous vivez aujourd’hui à Londres. Votre album est-il aussi disponible en Grande-Bretagne et comment vous perçoit-on Outre-Manche ?
Louise Verneuil : Il y a ce côté un peu misogyne où je suis réduite à être la copine de… (Alex Turner) pour certains mais on commence à me demander ce que je fais, à vouloir écouter ma musique. Il y a aussi une forme d’accessibilité différente comme je chante aussi en français. Tout de suite, pour les anglais, cela les renvoie à Françoise Hardy qui est restée une icône en Grande Bretagne. Et ce n’est pas désagréable.

Et en France, avez-vous l’impression de faire partie d’une famille musicale ou d’être complétement à part ?
Louise Verneuil : Il y a Samy Osta (réalisateur et arrangeur de l’album Lumière Noir) qui est en quelque sorte un tonton, et rassemble autour de lui des gens qui ont des affinités. Je pense au groupe Feu ! Chatterton avec qui Samy a travaillé et auquel j’ai emprunté Raphaël. Il joue de la batterie sur mon disque. Et Arthur (le chanteur) avait lu mes textes avant que je les enregistre. Il y aussi le groupe Juniore avec Anna (la chanteuse) ou encore Juliette Armanet, dont je me sens proche même si je ne l’ai jamais rencontrée. J’ai l’impression qu’il y a une petite famille d’artistes singuliers qui émerge, et j’espère en faire partie.

Propos recueillis par Frédérick Rapilly (mai 2020)
Louise Verneuil « Lumière noire » (Mercury)

 

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