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Marcia Higelin : « Je pense qu’on est une famille d’improvisateurs »

Higelin… Comme Arthur, son papa, et Jacques, son grand-père. A son tour, Marcia se lance dans le grand bain. Une évidente nécessité. Son premier EP fraîchement débarqué démontre en 5 titres que la jeune femme a trouvé une vraie personnalité. Rencontre avec l’artiste.

Petite fille de Jacques Higelin, fille d’Arthur H : la musique est une évidence ?
Marcia Higelin :
Oui, c’est une évidence. Mais pas intellectuellement parlant, pas en termes de carrière, davantage comme un langage. C’est l’entité d’un quotidien. L’évidence, c’est que la musique est présente dans l’expression. La composition vient ensuite. Je pense qu’on est une famille d’improvisateurs. Pour avoir connu mon grand-père, c’est sûr. Mon père aussi.

Avec ce premier EP, votre carrière démarre ?
M.H. : Oui. J’ai décidé de poursuivre la musique juste après le lycée. J’avais un groupe jusqu’en terminale. Après le bac, je me suis retrouvée un peu seule. Mais j’ai continué à composer, à écrire et à chanter. Je passais des heures sur mon piano. C’est là que je me suis dit que je ne pouvais pas arrêter. J’ai pourtant tenté les études. J’avais très envie d’apprendre l’Arabe. Je me suis inscrite, je suis allée à la réunion de pré rentrée et je n’y suis jamais retournée.  Ensuite, comme tous les jeunes, j’ai multiplié les jobs. Ça a été une excuse pour arrêter les études. J’ai bien retenté un cursus d’anthropologie et de sociologie, très intéressant par ailleurs, mais… Je suis retournée vivre à Nice. Je ne me voyais pas prof de langue, ni sociologue, ni anthropologue. En fait la musique est venue naturellement. Je me suis retrouvée avec beaucoup de chansons, des projets de concepts, etc.

Vous êtes autrice – compositrice ?
M.H. : Oui. Je compose sur le piano, parfois à la guitare. Après, je ne suis ni pianiste, ni guitariste. C’est inconfortable pour moi de jouer mes chansons toute seule sur scène. Je n’ai pas cette dextérité. En revanche, je joue suffisamment pour composer. Une fois la structure bien en place, je vais voir un pianiste avec qui je parle le même langage et lui développe le jeu.

Sur scène, vous chantez uniquement ?
M.H. : Oui. Avant je m’accompagnais au piano. Très vite, je me suis rendu compte que j’étais moins libre. Désormais, vocalement, je suis beaucoup plus tranquille.

Le regard de la famille est important ?
M.H. : Mon grand-père n’a jamais eu l’occasion d’écouter mes chansons.  Quand, je chantais, il était content, ça lui faisait plaisir. Mais on n’a pas eu l’occasion d’échanger plus que ça. A l’époque j’habitais le sud de la France. On se voyais aux grandes occasions familiales. Pas plus.  En plus, à cette époque, j’étais avec mon groupe. C’était très adolescent. Mon père en revanche est très concerné. Il est très curieux, bienveillant. Il me donne des conseils… C’est à la fois le regard d’un père et d’un musicien. Un jour, il m’a dit : « Tu as besoin d’être enregistrée ? Viens ! » Il avait une résidence à la Maison de la Poésie et il a enregistré mes premières démos. C’était chouette. Il a joué l’ingé son pour moi. Un beau moment.

Votre sœur fait aussi de la musique ?
M.H. : Oui, elle rap sous le nom de Liouba. Elle a 23 ans. Ça veut dire « amour » en russe. C’est son deuxième prénom.  On a une ascendance russe du côté de ma mère.

En rappant, elle davantage en phase avec sa génération !
M.H. : Elle chante aussi… Ce que font les artistes aujourd’hui est souvent assez hybride. Ce que j’écris pour les prochaines productions confirme ça.

Chanter en français était évident ?
M.H. :
Non pas du tout. Je ne voulais pas chanter en français. Comme beaucoup de chanteurs aujourd’hui, je suis passée par la case anglais. Au sein du groupe et après aussi. Ado, mes influences venaient de la pop américaine. L’autre raison, c’est qu’en termes de sonorité l’anglais propose un panel de choses que le français ne permet pas.  L’anglais est très rond comme langue, elle permet de s’amuser avec sa voix. C’est de la pop. En français, on est rapidement catalogué R’n’B. On est moins libre.

L’anglais permet aussi de moins se dévoiler ?
M.H. : Exactement. Émotionnellement, c’est beaucoup plus libre. Même si je parle bien anglais, ce n’est pas ma langue maternelle. Les mots sortent. Je peux mettre ce que je veux dans chaque syllabe. Dans le français, chaque mot a un poids plus intense. Du coup, je travaille le son avec un peu moins de liberté. Le français est plus riche, mais plus cadré.

Votre album navigue entre pop, R’n’B et chanson française. La faute à la langue utilisée ?
M.H :
Je me rends compte combien il est difficile de parler de son propre travail. Notre regard n’est pas objectif, jusqu’à finir par nous échapper. Je n’entends pas du R’n’B. Pour moi, c’est de la chanson française parce que ce sont des chansons et qu’elles sont en français. Le côté pop, je peux l’entendre facilement à certains endroits : le refrain de « Prince de Saba » par exemple. Au contraire, « Larme de crocodile », n’est pas du tout pop. Après, il y a tellement de genres et de sous genres musicaux… C’est très abstrait.

Où ont été faits les arrangements ?
M.H. : Je l’ai enregistré seule sur un clavier Midi de l’ordi. Ensuite, pour le violon, un ami violoniste est venu poser ses notes.

L’EP a été écrit sur quelle période ?
M.H. : Ça a été assez long.  Avec des phases où je réenregistrais le morceaux 1000 fois. Pour « Prince de Saba » a été écrit sur 4 ans. Les deux couplets ont été écrits il y a 5 ans, le refrain il y a 2 ans et le pont il y a 3 mois. Les choses construites, déconstruites et reconstruites à plusieurs reprises.

Ce long temps a fait évoluer les morceaux ?
M.H. : Énormément. Le refrain de « Prince de Saba » a été le premier morceau que j’ai écrit et le dernier que j’ai enregistré. Pour le refrain, l’idée ne venait pas. Je me suis mise à improviser quelque chose pour voir où ça me menait. J’écoute mon premier couplet et attaque le refrain qui attendait ses paroles. Comme j’en n’en avais pas je chante « bla bla bla bla… » Et là je me suis dit, c’est ça ! C’est carrément le sujet, de paroles en l’air. Du coup, j’ai reconstruit la chanson.

Pourquoi « Prince de plomb » comme nom d’album ?
M.H. : Il y avait un titre qui ne figure plus dans l’EP qui s’appelait « Flèche de plomb ».  De l’autre côté, « Prince de Saba ».  Voilà. Et ça me fait penser aux soldats de plomb. A l’enfance, aux guerriers…

Il y a une vraie opposition entre le nom de l’album très pensant « Prince de plomb » et une mer remuante.
M.H. :
Moi, je vois deux sens. Un collègue m’a dit : « T’es en train de faire un câlin à un caillou, quand même ! ». C’est vrai. D’où l’expression, un cœur de pierre. Après, il y a le fait d’être presque à nue, qui veut dire certaines choses. La mer, qui se voit surtout au verso, est agitée, lumineuse et aussi puissante. Il y a l’ébullition que j’ai ressentie quand j’ai écrit l’EP. La mer, c’est cette puissance qui t’accompagne et que tu as à l’intérieur de toi.

Vous affirmez : « « Cet EP est le fruit d’une expérience vécue. Je voulais sceller ça en chanson. Pour relativiser. Me libérer. » C’est ce que vous faites sur scène ?
M.H. : Ça pourrait, mais non. Ce processus de libération est un long processus. Je serais libérée quand je ne pourrais plus les entendre ces chansons ! (rire). J’ai aussi réussi à briser la frontière qui existe entre l’interprétation et l’émotion. Sur scène, je ressens à fond mes chansons sans souffrir. Au contraire, je suis contente de sortir de cette histoire avec quelque chose. Ce ne sont pas des cicatrices, ni des traces, ce sont des fleurs.  Car, il y a eu une vraie souffrance, celle de la déception amoureuse. Je ne suis pas maso, mais j’aime bien ces cicatrices.

Il faut s’attendre à une nouvelle souffrance pour le prochain album ?
M.H. : Non pas du tout ! Ce ne serait pas vivable. Certains artistes ont besoin de ça, moi non. J’écris déjà pour mon futur album. Un vrai album, pas un EP. J’ai 3 ou 4 titres finis. Sur scène j’en joue certains : les 5 titres de l’EP ne suffisent pas.

Pas de reprises ?
M.H. : Pas pour l’instant, mais j’y pense. Notamment, une de Jacques, pas très connue, que je trouve trop belle et qui est sur son premier album : « j’aurais bien voulu ». Je la trouve incroyable. (Marcia se mets à la chanter)

Sur scène, l’improvisation est aussi un héritage ?
M.H. :
Je suis en train de caller le spectacle. Mais, c’est toujours très important, même pour les musiciens qui m’entourent d’avoir des petits moments de liberté. Et quand je sens qu’on s’éclate, je me retourne et je dis « On continue ! » ? Ça arrive souvent. Pour mon grand-père c’était une grande signature. Mon père aussi peut faire durer des morceaux 12 minutes. C’est un plaisir.

Propos recueillis par Hervé Devallan
Marcia Higelin « Prince de Saba » (Blue Line Productions)

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