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Herman Dune « Capter l’acoustique des instruments »

A l’occasion de la sortie de son 15e album « Odysseüs », Herman Dune répond à nos questions. C’est de San Pedro, à Los Angeles où il réside, qu’il nous explique la genèse et l’enregistrement de son opus aussi folk que séduisant.

Depuis 2015, vous résidez à San Pedro, le port de Los Angeles. Pourquoi ce choix ?
Herman Dune :
Depuis 2006, je naviguais entre Los Angeles et Paris. Je tournais beaucoup en Europe et je passais quand même la moitié de ma vie à Los Angeles. Quand il a été temps de déménager, on voulait être près de l’océan. San Pedro est un très beau quartier, un peu ouvrier. Un quartier qui se réveille tôt le matin. On peut prendre un café à 5h du matin, c’est ouvert. En Californie, on a la montagne, le désert et l’océan. Je suis capable de me jeter dans l’océan tous les jours avant de travailler.

L’eau n’est pas trop froide ?
H.D. :
Gelée ! Elle est encore à 12°C (interview réalisé en mai, ndlr)

Les incendies de cet hiver ont touché San Pedro ?
H.D. :
De San Pedro, on voyait les flammes, l’air était difficilement respirable. L’eau était polluée. C’était étrange de penser que si près de chez nous, des gens perdaient tout. Nous, on gardait le même rythme de vie avec les mêmes personnes au café. Même les pompiers du coin n’ont pas été impliqués dans les feux qui étaient plus au nord de la ville.

L’album « Odysseús » est né à Montréal. A Mile End précisément, mais pas au Plateau où résident presque tous les français. Pourquoi ?
H.D. :
J’ai toujours aimé Mile End. J’ai découvert Montréal lors des tournées… Et toutes les salles de concert étaient là-bas. De plus, un de mes héros reste Léonard Cohen. C’était son quartier. Je me suis retrouvé bloqué en France pendant le Covid alors qu’on n’avait pas le droit de se déplacer. Dès que les vols se sont ouverts, j’ai préféré me rendre sur le continent américain, plus proche de chez moi. J’ai pris le premier vol pour Montréal. Et j’ai découvert que c’était encore plus rigide qu’à Paris. Il s’avère que des amis, le groupe de rock de Montréal Godspeed You! Black Emperor, dispose d’un hôtel à Mile End. L’établissement était fermé, mais ils m’ont proposé d’y rester jusqu’à ce que j’obtienne une autorisation de voyager. J’étais seul dans un hôtel vide. C’était une ambiance un peu « Shining ». Je ne savais pas quand ni comment je pourrais rentrer chez moi…

C’est dans cette ambiance que sont nées les premières chansons de l’album ?
H.D. :
Oui, c’est là que j’ai écrit Odysseús entre exile et incertitude, la chanson titre de l’album.

Tout en vous rendant sur la tombe de Léonard Cohen au cimetière du Mont Royal.
H.D. :
Oui, elle est à une demi-heure de marche de Mile End. Ce que je faisais tous les matins.

Léonard Cohen reste une influence majeure pour vous ?
H.D. :
Oui il le reste. Et de façon différente depuis que je suis enfant.  Je l’ai aimé de plein de façon : musicalement, poétiquement, en termes de production, de thèmes, d’attitude… Il m’a toujours marqué et j’ai toujours admiré sa carrière. A 20 ans, lorsque j’avais l’impression que je n’avais rien fait de ma vie, je me rappelais qu’il avait sorti son premier album à 34 ans… Bon, je ne savais pas qu’il était déjà un poète connu ! Je l’adore, j’aime beaucoup son travail. C’est étonnant comme d’aller sur la tombe de quelqu’un peut avoir un sens.

D’autres artistes comptent pour vous ?
H.D. :
J’ai eu la chance de découvrir Bob Dylan et Léonard Cohen très jeune. Et ça ne m’a pas quitté. Tout comme les Beatles. C’est toujours ce que je préfère. Dernièrement, j’ai été à une exposition de Paul McCartney qui apparemment a retrouvé des photos qu’il a prises entre décembre 1963 et février 1964 avec son Pentax 35 mm. C’est le premier concert des Beatles aux États-Unis avec le Ed Sullivan Show. Et de voir le regard de Paul sur ses amis… On sent qu’il découvre qu’il se passe quelque chose de plus que ce qu’il pensait.

Est-ce que le monde de la littérature et le cinéma vous influencent aussi ?
H.D. :
  Oui, complétement. Dans l’écriture de cet album, j’étais accompagné par une superbe traduction de « L’Odyssée » d’Emilie Wilson qui est sortie juste à ce moment-là. J’aime aussi beaucoup Steinbeck qui m’influence par son regard sur le monde, pas forcément dans mon écriture. J’ai toujours aimé lire. Si on cherche, au moment d’un album, on reconnaît certains thèmes abordés dans mes lectures.

Sur ce dernier album ?
H.D. :
La lecture de l’Odyssée bien sûr. Quand je n’arrivais pas à me rendre où je voulais, c’était assez dingue de lire ça en même temps. Si non, à Montréal, je lisais la biographie de Ron Hubbard, le fondateur de la scientologie qui s’appelle Bare-faced Messiah. Un titre qui vient de l’expression anglaise : Bare-faced liar, pour quelqu’un qui ment effrontément en face vous. Ici cela implique que c’est un messie qui ment. Je lisais aussi la poésie de Léonard Cohen et sa biographie qui est incroyable. Notamment, son penchant pour les sectes et l’hypnose.

Le nom de l’album a donc été une évidence ?
H.D. :
Le titre de l’album m’a pris un peu de temps, mais c’était le thème en tout cas. Pour le nom de la chanson, c’est le premier titre qui m’est venu. Ensuite, c’est devenu le titre de l’album lorsque j’ai rencontré David Garza, le producteur. Lorsqu’il m’a demandé comment allait s’appeler le disque, c’est sorti tout seul.

Comment s’est faite la rencontre avec David Garza ?
H.D. :
A l’époque David Garza habitait San Pedro. Il y a un très bon café colombien au centre du quartier. C’est assez étonnant comme le café unit les gens. C’est un tout petit café, il y a trois tables. Mais je pense que c’est le meilleur de Los Angeles. Cet endroit est comme une communauté. Je connaissais David Garza via ce lieu sans savoir qu’il était musicien. On se croisait, on se disait bonjour. Un jour où il y avait vraiment trop de monde, il est venu s’asseoir à ma table. Il m’a demandé sur quoi je travaillais. J’étais en train d’écrire un arrangement de violon pour une des chansons de l’album. Et je n’y arrivais pas. Je ne savais pas qui allait les jouer donc je n’arrivais pas à m’imaginer ce qui était possible. Il m’a alors dit qu’il était producteur. Il venait de faire les violons pour un morceau de Fiona Apple et Iron and Wine. Du coup, on échange. David Garza vient du Texas et il avait joué avec Townes van Zandt, un grand nom de la country folk texane à la Willy Nelson. C’est un de mes héros. On a évidemment parlé de lui. Rapidement, on s’est rendu compte qu’on avait plein de chose en commun. Et au lieu de se dire au revoir après le café, il est venu chez moi et très vite il a eu envie de faire l’album. Je n’avais jamais travaillé avec un producteur. J’avais à la fois des réticences, des peurs et aucune attente. C’était super d’avoir quelqu’un qui avait une vision pour mes chansons.

David Garza vous a conduit vers de nouveaux horizons ou vous êtes resté maître de votre bébé ?
H.D. :
J’ai appelé un copain avant de travailler avec David. Mon copain, le chanteur Raphaël qui a l’expérience d’un producteur. Il m’a dit : s’il est bon laisse toi aller. N’essaye pas de contrôler. Donc j’ai appliqué cette règle. Je lui ai juste joué mes morceaux avec ma guitare sans essayer de m’avancer sur les rythmes et les arrangements. On était dans mon salon, là d’où je vous parle. David m’a regardé en disant : je veux que l’album sonne comme ce que j’entends là. Donc on va l’enregistrer ici. Au début, j’étais un peu déçu parce que pour une fois que j’avais un producteur je voulais aller dans un super studio. Mais en fait, il savait très bien ce qu’il faisait. Il voulait capturer mes chansons dans leur environnement naturel sans les faire entrer dans aucune case. Je ne crois pas qu’on n’ait jamais prononcé le nom d’un style de musique. C’est très agréable. Ensuite, on était tellement en confiance que je n’ai exercé aucun contrôle sur les musiciens qui sont venus jouer, ni le temps de l’enregistrement.

Vous ne connaissiez aucun des musiciens.
H.D. :
Exactement. Je crois que j’en avait rencontré plusieurs car on avait fait quelques concerts ensemble, dont des violonistes. Mais la plupart, je ne les connaissais pas.

Comment se sont passées les séances. Vous avez rôdé les morceaux tous ensemble ?
H.D. :
On a d’abord répété les titres tous les deux pendant trois jours pour qu’il s’approprie les chansons, pour qu’il les connaisse aussi bien que moi. Je ne sais pas comment ça se passe d’habitude. Mais pour moi c’était l’idéal. Du coup, quand les musiciens sont arrivés, l’enregistrement s’est réalisé en live. Ça ouvre la porte aux surprises. Avec le piste par piste, il faut avoir un plan.

Comment travaille David Garza ?
H.D. :
Il ne dit pas grand-chose. On a l’impression que tout est improvisé, mais en fait il sait très bien où il va. Durant ces trois jours, on n’a fait que jouer. On partageait aussi le goût pour le vin naturel à l’orange. On goûtait des bons vins, on parlait musique… Je pense qu’il prenait des notes dans sa tête. Et quand l’enregistrement est venu, il avait un plan très précis avec l’ordre de passage des musiciens. Son plan, c’était justement que moi, je n’ai aucun plan pour que je réagisse avec les musiciens pour que mes chansons soient aussi organiques que possible.

En fait, vous n’êtes jamais allé en studio !
H.D. :
Hormis pour le mixage, non. Ma carrière a été souvent façonnée par le « home made ». Je viens du punk rock, de l’esprit K7. Je n’avais vraiment pas envie de ça pour cet album. C’est pour ça que lorsqu’il me propose de le faire chez moi, j’étais presque déçu. Mais quand j’ai vu l’équipement et les musiciens arriver, j’ai vu qu’on était loin du Lo-Fi. L’ingénieur du son, Chris Sorens qui travaille d’habitude avec Los Lobos est arrivé un matin avec un camion studio et ses micros vintage. Il s’est installé et a monté une salle de contrôle dans la pièce où j’ai l’habitude de m’occuper du marchendising de mon label. Il y avait des câbles partout et beaucoup de micros d’ambiance, ce que les américains appellent des room mikes, pour capter l’acoustique des instruments. Et des musiciens partout dans le salon. Moi j’étais sur le canapé. A ma droite, un violon, à ma gauche aussi. David était en face de moi à la guitare ou au sitar, ça dépendait du morceau. Plus loin, le piano, la contrebasse, la batterie…

Je ne suis pas producteur, mais quand j’ai vu des micros dans tous les coins, j’ai eu un doute… Mais je pensais à cet album de Ry Cooder et Buena Vista Social Club qui avait été enregistré uniquement avec des micros d’ambiance. Chris avait la même idée pour mon album. Ce qui était super.

Une technique dingue, car si tu prends un violon de près ça n’a pas du tout le même son dans la pièce. Un des trucs que Chris et David ont utilisé pour l’enregistrement, c’est qu’on jouait sans casque.

En général ce n’est pas le cas ?
H.D. :
Avec un casque, tu gères ce que tu as envie d’entendre ou inversement. Là, encore une fois j’étais surpris. Mais c’était génial car, quand j’avais envie d’entendre le violon, j’étais obligé de jouer moins fort de la guitare. Bref, on s’écoute, on laisse parler l’autre. Et ça se ressent beaucoup dans l’enregistrement. Le mix se fait naturellement. Dès que je chantais, je voyais que tout le monde essayait d’entendre pour savoir où ils en étaient dans la chanson.

Il y a donc eu très peu d’ajouts suite à ces séances à la maison ?
D.H. :
Pratiquement pas. David a rajouté un orgue Hammond à un moment et un xylophone. Des petits détails, des petites couleurs.

Sur les deux morceaux en duo, les chanteuses étaient aussi présentes durant ces sessions live ?
H.D. :
Complétement. Le premier duo c’est avec Mayon, mon épouse sur « Buffoon of love ». On avait aménagé l’emploi du temps parce que je n’avais pas envie qu’elle se retrouve à chanter toute seule devant une dizaine de musiciens. On a fait ça très tôt le matin avant qu’ils arrivent. Il y avait juste David, sa femme et son fils ainsi que Chris. C’était très intime. Assez beau.
L’autre duo c’est sur « Head against the wall » avec Odessa, que je n’avais jamais rencontrée. Mais le résultat est super. J’adore sa voix. Quand elle est arrivée je lui ai joué la chanson et je lui ai demandé si elle voulait faire un couplet. Elle a dit oui et on l’a enregistré en une seule prise. En fait elle est violoniste et elle devait de toute façon venir jouer des parties de violon sur l’album.

Mayon est chanteuse dans la vie ?
H.D. :
Mayon chante très bien. Elle est présente sur tous mes disques pratiquement. Elle écrit aussi de belles chansons. En revanche, elle n’a rien à voir avec le monde de la musique. Elle ne souhaite pas en faire partie. Elle n’a pas le goût de s’exposer en public. Du coup, elle chante par amour de la musique, de façon très intime, et non par soucis de la performance.

Le dernier morceau Viduy est aussi écrit en hébreux. Pourquoi ?
H.D.
 : C’est confession en hébreux. Il existe un chant en hébreux qui s’appelle Confession. Ce concept m’a amené vers cette chanson. C’est un chant hébreu qui s’interprète une fois par an lors du Yom Kippour. Ce chant m’a toujours marqué. J’ai construit ma chanson un peu de la même façon que ce chant religieux. Je pense que quelqu’un qui connaît l’original verra le rapport. Mais ce n’est en aucun cas une influence. Juste un point de départ.

L’album est sorti en vinyle. La statue grecque sur la pochette est vraiment superbe…
H.D. :
C’est moi ! C’est ma femme qui l’a sculptée. C’est son métier.

L’objet vinyle est important pour vous ?
H.D. :
J’adore les vinyles. Quand j’habitais Paris, je faisais le DJ. J’avais plein de vinyles. J’ai grandi dans les années 90 où toutes les nouveautés sortaient dans ce format. J’en avais plus de 1000 ! Je n’ai malheureusement pas pu les ramener aux États-Unis. Mais j’adore le son du vinyle. C’est un objet génial. C’est comme avoir une petite œuvre d’art chez soi. On peut l’encadrer. Et il y a deux faces sur un album. On a toujours sa face préférée.

Il n’est pas question de posséder des vinyles à Los Angeles ?
H.D. :
Je me pose la question tous les jours. J’avais les premières éditions de tous les albums de Bob Dylan, des Beatles, les Otis Reding époque Stax… J’avais des choses magnifiques.  J’avais l’excuse parfaite : c’était mon métier. J’avais beaucoup de 45t. Plusieurs fois, je me suis interrogé pour savoir si je ne reconstituais pas une collection ici. Mais je ne réussirai jamais à retrouver ma collection française. Ce que j’ai fait lors de mon déménagement aux États Unis, j’avais une voiture avec lecteur de K7. Je me suis intéressé à ce support. Je me souviens lorsque j’ai acheté « Moon dance » de Van Morrison en K7, le son était monstrueux.  Ils faisaient des masters dédiés. J’en ai acheté plus que de raison. Mes vinyles ne sont pas perdus ! Je les ai laissés à un studio d’enregistrement à Paris qui en est le gardien. Ils aiment les avoir pour que les artistes qui enregistrent puissent les écouter.

Ils savent que c’est temporaire ?
H.D. :
Oui, ils le savent.  J’ai toujours le rêve de les amener ici.

La tournée française est programmée pour octobre et commence par la Bretagne.
H.D.
 : J’adore jouer en Bretagne. La tournée débute par Nantes, puis Brest… ça aurait été marrant de commencer par Brest, un autre port.

Vous allez visiter d’autres pays ?
H.D. :
Je vais en Angleterre, en Allemagne, en Belgique. C’est tout pour l’instant.

Et aux Etats Unis ?
H.D. :
A Los Angeles, je joue parfois. Mais ça fait longtemps que je n’ai pas tourné.

Hervé Devallan

Herman Dune « Odysseüs » (BB Island)

Sur scène
04 oct. 2025. Complet. Nantes. Chapelle du Musée des Beaux-Arts.
05 oct. 2025. Complet. Nantes. …
05 oct. 2025. Complet. Nantes. …
07 oct. 2025. Rennes. Théâtre du Vieux Saint-Etienne. …
09 oct. 2025. BREST. Vauban. …
10 oct. 2025. LORIENT. Hydrophone. …
11 oct. 2025. Morlaix. Sew. …
12 oct. 2025. LAVAL. 6PAR4.

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