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Gaspard Royant : « L’esthétique est sixties, mais pas fétichiste »
Il existe deux écoles du rock made in France, le live et le studio. Et rares sont ceux qui conjuguent ces deux exercices avec talent. Gaspard Royant est donc une exception. Si ses apparitions reproduisent avec fidélité ses meilleurs titres « Marty McFly« , « Getaway« , « Europe« , lorsque son guitariste et son clavier commencent à se chauffer, c’est l’extase. Un rock puissant. Les influences sixties s’estompent alors pour donner place à un rock and roll aussi jouissif qu’extatique. Après quelques singles réalisés en toute indépendance, l’homme vient de sortir un album, Have You Met Gaspard Royant ?, pour le label Sony. Un disque bourré de références sixties, mais qui ne reste pas sclérosés dans une époque passée. Grâce à la production méticuleuse d’Edwyn Collins et la section de cuivre des Dexy’s Midnight Runners. Le morceau « Getaway » est même une sacré réussite, Rencontre.
Ce n’est pas ton premier disque
Gaspard Royant : J’ai sorti un album 10 Hits Wonder, quatre cinq 45 tours, quatre vrais 45 tours et un CD single.
Le premier CD single n’existe pas en vinyle.
G. R. : Je n’ai pas pris la peine, et à l’époque je n’avais pas le budget pour le sortir en vinyle. Le premier CD single, on l’a fini en 2009 et on l’a sorti début 2010.
T’as eu les cheveux longs un jour ?
G. R. : Oui j’ai eu beaucoup de phases, si seulement je n’avais eu que les cheveux longs… J’ai eu beaucoup de périodes capillaires, ce qui n’allait pas toujours de pair avec les styles musicaux.
Royant c’est ton vrai nom ?
G. R.: Oui, c’est mon vrai nom. Je n’aurais pas choisi ça comme pseudo. Pendant longtemps j’ai cherché des pseudos, mais je n’en ai jamais trouvé qui sonnait aussi bien.
Tu viens de Royan
G. R.: Non, je ne suis pas de Royan, je viens de Haute Savoie, j’ai grandi dans un petit bled vers Divonne les Bains. Un petit bled de Haute Savoie avec l’ennui inhérent aux campagnes et la beauté aussi.
Que faisaient tes parents ?
G. R.: Mon père était médecin, ma mère a fait beaucoup de choses différentes. Mon père est mort quand j’étais jeune, donc ma mère a du trouver des boulots pour vivre, une femme formidable.
D’où te vient le goût de la musique ?
G. R. : Je viens d’une famille où on aime bien chanter quand on a un coup dans le nez. Mon père était un gros fan de musique, il avait une grosse collection de vinyles. Ça n’a jamais été un univers étranger, même s’il n’y avait pas de musicien autour de moi. J’ai commencé à apprendre le solfège et le saxophone, et puis arrivé à l’adolescence. J’ai compris que la guitare c’était plus sexy pour les filles que le saxophone. J’ai des petites bases de solfège qui me permettent de me dépatouiller quand j’ai en face de moi des musiciens pointus. Ma première guitare c’était une Squier je devais avoir 14 ans.
Comment naissent les premières chansons ?
G. R.: Mon premier prof de guitare était un fan des Stones, après c’était Dire Straits. J’essayais de les reproduire.
Et tes goûts musicaux ?
G. R.: Au milieu des années 1990 j’écoutais Nirvana et de la brit pop, rien d’original, Radiohead arrivait aussi avec ses premiers albums. Mon père était fan absolu d’Elvis, il avait beaucoup de variété, de Michel Delpech à Yves Montand. J’ai grandi avec les Beatles, Oasis aussi à fond.
Que se passe-t-il ensuite ?
G. R.: Dés le lycée j’ai monté des groupes de pop, des groupes du dimanche, dans le garage d’un pote, tu répète le dimanche par ennui, il n’y a rien d’autre à faire mais aussi par passion parce que tu en as envie. Quand t’es dans un lycée en Haute Savoie les mecs écoutent soit du reggae soit des trucs nazes, il y en a peu qui écoutent du rock, et du coup tu te repères vite et tu montes un groupe. Et c’est ce qui s’est passé. A la fac c’est pareil, il n’y a que des rastas blancs et des mecs qui vont voir les Hurlements de Léo le week-end. Pendant longtemps je n’avais aucune autre ambition que de faire de la musique pour mon plaisir. Quand je monte à Paris pour trouver du taff, j’essaye d’être dans le milieu de la musique mais je ne considère pas que je puisse être musicien. Je me fais embaucher en stage à MCM, et en gros, je suis payé pour voir des concerts et boire du champagne gratos. Ce qui fait que de temps en temps on dit : ex journaliste musical. J’ai fait quelques interviews c’est vrai, j’ai fait beaucoup de tournages de concerts, en fait j’étais un petit branleur qui voulait aller aux concerts gratos et en profiter J’ai fait ça pendant deux trois ans. Je commençais à avoir des chansons, mais je n’avais plus de groupe du tout. Je fais tout seul mes chansons, en me disant : il n’y a personne qui m’emmerde. Et c’est là où je me suis dit : Arrête de vivre sur une autre planète essaye de faire quelque chose.C’est le processus du premier EP. Je ne connaissais personne, je suis allé dans les bars où ça jouait, recruter un ou deux mecs, j’avais zéro expérience. Et du coup ça a été assez long à se mettre en place, le premier EP (You Can Have Me (If You Want To), 2009) est bourré d’erreurs mais il existe.
Ensuite ?
G. R.: Il y a l’enregistrement chez Liam Watson à Toe Rag « Back To Where We Aim » / « Monkeytown » (2012) qui a été un peu le truc déterminant, parce que plus ça allait plus vers cette musique sixties. Et quand j’ai eu l’opportunité d’aller enregistrer chez lui, ça m’a permis d’avoir les clés pour comprendre comment la musique que j’aimais avait été fabriquée. Quand je suis arrivé, c’était déjà le mec qui avait fait les White Stripes, qui avait donc une grosse réputation de producteur. (L’album Elephanten 2003 avec le hit « Seven Nation Army ») C’est lui qui décide ce qu’il enregistre, je lui avais envoyé des démos, ne pensant pas qu’il allait accepter. Et en fait il a répondu : OK.
Tu as cette image sixties.
G. R.: L’esthétique est sixties, mais pas fétichiste. Moi la musique que j’aime elle commence dans les années 1950 et se prolonge jusque dans les années 1960, parce que déjà ça couvre un éventail assez large. J’adore le mainstream de ces années-là, Bacharah et le garage de l’époque. Les Kinks par exemple. Je ne parle pas de trucs super pointus. Et donc j’avais toutes ces influences là, elles étaient dans les chansons, je n’étais pas du tout parti pour tordre le truc, j’avais envie d’écrire des chansons, des classiques, je n’avais pas envie de les bousiller.
Et donc Edwyn Collins, comment tu le rencontres ?
G. R.: Après avoir signé avec Sony, c’était l’étape obligée car je voulais un producteur et des arrangements que je n’aurais jamais pu payer tout seul. C’est pour cette raison que je cherche une maison de disque, car je savais très bien qu’après le premier album qui est une compilation des 45 tours, je voulais faire plus, mais je ne pouvais pas le faire sans label. Ce sont des moyens financiers, une farce de frappe pour convaincre des gens. Avec Sony on a parlé de producteur, moi je voulais quelqu’un qui avait été artiste solo, j’ai toujours peur des ingé son qui ne comprennent pas comment fonctionne un chanteur. Il y avait des critères comme ça et Edwyn Collins les remplissait tous. Edwyn Colins, ça s’entend que c’est un fan absolu de northern soul, et moi mon album est avec plein de morceaux très inspiré par la northern soul.
Comment enregistres-tu ce disque ?
G. R.: On a enregistré une partie de l’album dans le sud de la France, et une partie à Bank. En fait, on a fait une partie à Carpentras dans un studio qui s’appelle Vega, tenu par l’ancien saxophoniste de Bashung (Manfred Kovacic). Il a une console EMI, l’une des premières consoles, il doit y en avoir trois ou quatre au monde. Ce n’est pas quelqu’un qui fait de la pub, mais la console est géniale, Edwyn Collins est pote avec les mecs de Teenage Fanclub qui avaient enregistré là-bas. C’est eux qui lui avaient dit : C’est un geek de matos le proprio ! Edwyn Collins achète toutes les semaines du matos d’époque. Moi j’étais content c’était exactement ce que je voulais. On est donc allé faire des prises là-bas, avec le groupe, puis on est allé à Londres, dans son ancien studio pour tout ce qui est arrangements, cordes, cuivres, choristes, avec les musiciens avec lesquels il a l’habitude de travailler. Et on a mixé, on a terminé de mixer en Ecosse en novembre dernier, parce que lui vit au nord de l’Ecosse, dans un village de 600 habitants, où il vient de se faire construire un studio.
Propos recueillis par Christian Eudeline
Photo : Michela Cuccagna
Site officiel de Gaspard Royant