Actu
Manu : « Faire l’album que j’avais envie d’entendre »
L’album « La vérité » marque le Grand retour de Manu. Il met également fin à une pause acoustique, intimiste et japonisante. Désormais seule maître à bord, la nantaise a retrouvé son accent power pop jusqu’à oser une reprise. Et si la résistance se joue désormais dans les salles de concert, il était temps de partir à la rencontre d’une guerrière du rock qui a su garder le charme fou d’une passionnée au grand cœur.
Avant de poser la première question : votre concert à Paris (vendredi 4 décembre au Gibus Live) a été marqué par une belle chute. Que s’est-il passé ?
Manu : Tout simplement, j’ai reculé et heurté le praticable qui était juste derrière moi. Je le savais pourtant, mais bon… J’ai pris un beau gadin. En plus c’était pendant « Je ne veux pas rester sage » ! Sur le coup, j’ai eu peur et j’ai pensé : si je me suis cassé quelque chose, comment je vais continuer le concert ? Enfin de compte je me suis relevé et puis voilà. Juste un beau bleu !
Cette date est arrivée trois semaines après les attentats du 13 Novembre. Comment avez vous vécu ces événements ?
Manu : Le 13 novembre, on était sur scène à Marseille. On a tout de suite pensé aux potes, aux proches qui étaient ou auraient pu être au Bataclan. On ne se pose pas trop la question par rapport à soi. Notre date du lendemain a été reportée, on est donc retourné sur Paris le samedi. Et là on a vraiment réalisé. Plus on s’approchait, plus on prenait conscience de l’événement : Porte d’Orléans, personne ; dans les rues personne. Mais si on avait eu une date le lendemain, on serait allé sur scène. On était tous d’accord, sans se consulter. Il était hors de question de ne pas jouer. Notre première date après les événements, c’était à Angoulême. J’avoue m’être posé la question une seconde et demi et puis… La peur est paralysante. La journée a été bien remplie, ensuite sur scène on oublie tout. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ça et c’est très bien.
« La vérité » marque votre retour à la power pop. Comment avez-vous appréhendé la composition de cet album ?
Manu : « La dernière étoile » était un album intimiste. Ensuite, j’ai sorti mon mini album en japonais. Enfin, avec Patrick (son guitariste, ex Bandits, ndlr), on a tourné pas mal en duo électro acoustique auquel venait s’ajouter violoncelle et harpe. Ce retour à l’essentiel a vraiment permis de passer de bons moments. Du coup, par opposition j’ai eu besoin de brancher les guitares et d’y aller ! Et puis, c’est la première fois que j’étais vraiment toute seule en studio. Et dans ces cas là, c’est ce que je sais le mieux faire. J’en avais de nouveau envie. Tout est une question de moment. Rien n’a été calculé. J’étais à la recherche d’album comme ça en français que je ne trouvais pas. Je me suis dit que j’allais faire l’album que j’avais envie d’entendre.
Vous avez tout fait toute seule sur cet album ?
Manu : Oui, composition en Vendée et enregistrement à Bondy dans le 93. J’ai commencé par des petites séances de 5 jours par ci, par là. En fait, j’avais enregistré mon batteur pour m’en servir de base. J’adore son jeu, il m’inspire beaucoup. Et puis ça me gavait de composer sur des boucles synthétiques. J’ai un super batteur à disposition, j’en ai profité. J’ai quand même taillé et trituré ses parties. J’ai joué dessus, rajouté mes breaks, etc. Ce qui l’a rendu fou quand il a du en réenregistrer certains morceaux ! (rire). Ensuite, ces guitares m’ont inspirées des mots qui ont donné naissance à des mélodies. Le résultat est que tout va très vite. En deux fois 5 jours, j’avais 10 chansons. Ensuite, on a commencé à répéter en vu des concerts. Ce qui a été long, c’est l’espace entre chaque période qui n’était pas de mon fait, mais de la disponibilité du studio de Fred (Frédéric Jakubiak, ndlr). Le mix aussi a été long, parce que Frédéric mixait par rapport à mes démos et je voulais toujours retrouvé la magie de cet instant. Beaucoup de temps passé pour rien au final, car on a souvent repris les premiers mixes… Comme souvent.
Pourquoi ce choix de reprendre le plus grand single de tous les temps « Teenage kick » des Undertones ?
Manu : Je ne pensais pas que ce morceau était aussi mythique pour autant de gens. Je me doutais bien qu’il était connu, mais à chaque fois on me dit : « c’est le single absolu ! ». C’est génial du coup ! Patrick me l’a fait redécouvrir. J’en était tellement imprégné qu’un jour en répétant le morceau « Bollywood », Didier, qui répétait avec les Wampas dans le studio d’à côté, est arrivé comme un fou avec son T-Shirt des Undertones en en disant « Hey vous reprenez Teenage Kick ! ». Et d’un seul coup j’ai dit j’ai compris que « Bollywood » était inconsciemment imprégné de Teenage Kick. J’ai réécouté la chanson et a décidé de reprendre le morceau. Voilà ! C’est la première reprise de ma discographie solo. D’une manière générale, j’ai du mal avec les reprises. Mais là, je suis fan de la voix du chanteur.
Sur le morceau « Toi et moi », vous invitez les musiciens à poser leur solo à la fin de la chanson. Qu’est-ce que tu va faire de tous ces solos ?
Manu : On les met en ligne. Que ce soit les invités et plus tard ceux des anonymes qui participent au concours. Pour ces derniers, je reçois des choses vraiment très touchantes. Je ne veux pas voir le nom des guitaristes pour ne pas être influencée si jamais je reconnais le nom d’un pote ou d’une copine. Au final, s’il a envie, le « gagnant » – c’est très subjectif tout ça ! – viendra sur scène avec nous et dans tous les cas repartira avec une Playstation 4, une guitare, un ampli, etc. Et pour revenir sur les invités, je veux souligner qu’il n’y a pas que des guitaristes. Il y a une harpiste et une violoncelliste, un sax, une cornemuse… France Cartigny m’a envoyé son solo de claviers complètement hallucinant, etc. A chaque fois que je vois dans ma boîte mail un solo qui arrive, je suis comme une gamine ! Ce qui est fou, c’est que vu le nombre, il n’y en pas un qui se ressemble.
Quel regard portes tu sur la scène rock hexagonale, toi qui a créé Dolly, qui a croisé la route de Dionysos, Mass Hysteria, qui a signé deux titres pour The Nuances…
Manu : Ce qui a changé, c’est le nombre et la qualité. Ils sont de plus en plus nombreux et tous d’un très bon niveau. En revanche, sur la longueur, je ne sais pas comment tous ces groupes vont faire « carrière ».
Et vingt ans après vos débuts, qu’est ce qui a fondamentalement changé dans la musique ?
Manu : Ça n’a plus rien à voir ! Du côté de l’organisation déjà. N’importe quel groupe peut sortir son album avec les logiciels existants. Nous sans argent, c’était impossible. Eux peuvent distribuer leurs fichiers sur le net ; nous, il fallait presser les vinyles et les CD. Cette exposition est positive. En revanche, l’inconvénient, c’est que tout ça reste virtuel. Ils ont du mal à le défendre sur scène. Nous, on louait une sono, un camion et on trouvait toujours un rad pour jouer. Maintenant, va trouver un lieu et qui plus est, un lieu qui te rétribue. En résumé, créer c’est plus facile, exister, c’est compliqué. Mais ils sont inventifs ! Nous pour continuer à exister, on a du monter notre label. Ce que font beaucoup de jeunes groupes d’ailleurs. En revanche, c’est épuisant. Il faut être à la fois être comptable et artiste. J’avais peur que cela empiète sur la créativité. Et non justement. Mais c’est ça aussi qui explique l’urgence du dernier album. Tant que j’étais inspiré et que j’avais du temps, il fallait le faire. Mais à l’époque de « La dernière étoile », ça m’a réellement gênée. A cela, il faut ajouter toutes les activités annexes. Il faut s’organiser. Et quand l’inspiration n’arrive pas, on est obligé de passer à autre chose. C’est la déprime. Là, ça fait deux ans que je n’arrête pas d’écrire !
Comme toi et ton album en japonais, beaucoup de bretons sont attirés par ce pays : le peintre Mathurin Méheut, Cécile Corbel, le carémélier Henri Leroux, même Alan Stivell dans son dernier album ! Quel est ton rapport à ce pays ?
Manu : Au départ, tout est venu de mon engouement pour les jeux vidéo et des mangas. Mais c’est arrivé assez tard. Il y a une douzaine d’années. J’ai eu envie de rendre hommage à cette partie de la culture nippone. Patrick connaît des gens de la chaîne Nolife et il m’a présenté Suzuka Asahoka. Elle a gentiment acceptée de m’écrire un texte. Je lui ai donné la musique en lui demandant ce qu’elle ressentait…. C’était parti ! Du coup, à chaque fois je revenais vers elle avec des demandes d’écriture ou de traduction comme par exemple sur « J’attends l’heure ». A la fin, on s’est retrouvé avec quatre chansons en japonais. On s’est dit qu’on allait faire quelque chose, un bel objet. Ça a été le mini album « Tenki ame ».
Et quelle a été la réaction au Japon ?
Manu : C’est en cours. Le vinyle est en train de voyager. Mon but étant de faire quelques dates là-bas. En même temps, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de français qui étaient fans de musique japonaise. Le disque a trouvé sa place. Mais ce n’est pas un album comme « La vérité » : on n’a pas d’attaché de presse, c’est un tirage confidentiel. C’est davantage une parenthèse pour se faire plaisir. Et puis c’est un bel objet avec une pochette signée Nicolas Hitori qui a également signé la pochette de « La vérité » en lui demandant de réaliser un dessin différent, plus énervé en s’inspirant des mots que je lui envoyais.
Dernière question : la cicatrice Michaël Chamberlin est artistiquement « refermée » ?
Manu : Oui, depuis le moment où je suis remontée sur scène, c’est que je pouvais en parler. Dans chaque album, il a sa chanson Mika… C’est et ça sera comme ça. C’est pareil pour les morceaux de Dolly. Maintenant, je suis prête à les rejouer. Ça me fait plaisir. Au départ, c’était pour faire plaisir au public, et je me suis rendue compte que ça me faisait bien kiffer aussi. Dolly ça a duré 10 ans. Ma carrière va sur ses 10 ans… Et je vais continuer ! Qu’on me parle de Dolly, ça ne me dérange pas. Mais au bout d’un moment c’est surtout Manu.
Propos recueillis par Hervé Devallan
Manu, site officiel