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Serge Fabre : « Bang! Records recherche des stylistes, des vrais artistes »
Patron de Bang! Records, Serge Fabre connaît bien la scène toulousaine. Ancien guitariste du mythique groupe punk Dau Al Set, il fut aussi le guitariste des Garçons Sauvages. C’est d’ailleurs pour sortir leur premier et unique album qu’il monte son label avec le batteur Adrien. Après plusieurs signatures françaises et américaines, Bang! Records est devenu une référence en matière de rock’n’roll. Explications.
Quand et pourquoi est né le label Bang! Records ?
Avec les garçons sauvages, en 2008, on a décidé de sortir un album avec un nom de label factice. On ne pensait pas du tout sortir d’autres disques, d’où ce choix assez peu original : Un label basque porte le même nom ainsi qu’un célèbre label américain des années 70’s…
J’ai ensuite décidé de continuer avec le batteur des Garçons Sauvages, Adrien, qui excelle dans le graphisme. On a sorti l’intégrale de Dau Al Set (un groupe punk de Toulouse où j’étais guitariste dans les années 80), puis quelques groupes locaux comme les Sad Knights, une excellente formation de country rock… J’ai aussi enregistré l’album des Zodiacs, toujours de Toulouse.
En 2009, j’assiste à Paris à un magnifique concert des Obits, un groupe de Brooklyn, c’était leur première apparition en France, je crois… Un pur moment d’excitation rock’n’roll. Je leur ai proposé mon aide et réédité leurs deux premiers singles. Là j’étais sur les rails de l’international et j’ai fait Bruce Joyner dans la foulée.
Philippe Lombardi, un ami est venu nous rejoindre. Tous les trois on a monté une association. On a signé les statuts dans l’Aveyron après un repas bien arrosé, en pleine campagne…Philippe avait des contacts à Memphis et s’occupait de sortir les disques d’artistes issue de cette ville. Tav Falco, Misty White et bien d’autres… Résultat, la machine était lancée, il n’était plus possible de changer de nom.
Il n’y a donc aucun un lien avec la chanson Bang Bang ou avec le label américain Bang Music ?
Non aucun lien, bien que j’apprécie beaucoup certaines de leurs productions. J’ai quelques singles que j’aime bien. : Van Morrison, les Strangeloves, The Mc Coys…
Créer un label à Toulouse, c’est plus dur qu’à Paris, Londres ou Berlin ? Il y a un marché naturel vers l’Espagne ?
Toulouse est particulièrement bien fourni en disquaires très compétents et motivés. Dans certaines rues, on entend le son de la guitare Lightnin’ Hopkins sortir des échoppes. Cette ville est parfaite pour ce genre d’activité. Parfois, il vaut mieux être un peu à l’écart des grandes capitales, ça t’évite de coller un peu trop aux modes par définition éphémères. Et puis, désormais Internet permet de gérer beaucoup de choses à distance. Quand à l’Espagne, non, il n’existe aucun marché naturel !
Le premier groupe signé est donc Les Garçons Sauvages. Une belle aventure ?
Les Garçons Sauvages étaient un groupe de jeunes gars branchés sur le rock’n’roll new-yorkais comme Richard Hell, les Heartbreakers ou Télévision. Ce qui était plutôt rare pour des gens de leur âge. Comme c’est aussi ma tasse de thé, je me suis tout de suite intéressé à ce qu’ils faisaient. Ça a tout de suite bien fonctionné, et puis on avait en commun le fait d’avoir passé une partie de notre jeunesse en Afrique !
J’ai enregistré une première démo. Puis leur guitariste, David Goettel, est parti et je l’ai remplacé. On a fait quelques concerts pendant un an puis on a enregistré cet album. En 2008, il y a eu un petit regain d’intérêt pour le rock’n’roll chez les jeunes. Les concerts marchaient très bien. On a donc passé une année intéressante.
Ensuite, chacun est reparti de son côté. Adrien, le batteur est toujours très impliqué dans le label. Il fait toutes les pochettes ou presque. Il vit à Berlin et continue la batterie dans de nombreux groupes.
Quels sont les groupes phares et les dernières parutions de Bang Bang ? Comment choisis tu tes artistes ? Quelle est ta ligne éditoriale ?
Les groupes qui ont le mieux marché commercialement sont Dau Al Set, les Obits et Tav Falco. Quant aux dernières parutions, il y a le disque de Staretz et un excellent disque de jazz d’un groupe de Memphis : Alex Greene and the Rolling Head Orchestra qu’avait sorti Philippe Lombardi. Un véritable Ovni dans la pure tradition de cette ville. J’adore ce disque.
La ligne éditoriale est très simple : on essaie de sortir des disques de rock and roll qui nous semblent excitants. On évite systématiquement les caricatures, tout ce qui singe le passé où collent trop au présent. On doit être séduit par la personnalité d’un groupe ou d’un musicien, sa vision originale… On recherche des stylistes en fait, des vrais artistes. Ça va des Obits à Tav Falco qui en apparence semblent différents mais qui cultivent leur propre esthétique.
https://www.youtube.com/watch?v=HQwQ1SJR3Hg
Comment gagne-t-on de l’argent en 2016 avec une maison de disque indé ?
On ne fait qu’en perdre malheureusement.
Le vinyle est-il un effet de mode ?
Je pense sincèrement que le vinyle restera pour la bonne raison qu’il y aura toujours un certain nombre de personnes qui ont besoin d’avoir un objet entre les mains. Les usines de vinyles rouvrent leur porte en France, on refabrique des machines et les délais de livraison s’allongent. Les ventes semblent décoller. Quant au son, si le master est bien fait, y’a pas photo. C’est vraiment imbattable ! Même si on ne reviendra jamais aux chiffres des années 70’s, le vinyle est en pleine forme.
Un dernier mot ?
Oui, je voudrais rendre hommage à mon associé Philippe Lombardi qui nous a quittés brutalement l’an dernier. Un passionné de musique qui a mis beaucoup d’énergie dans le label.
Site officiel de Bang! Records
Photo de Une : Franck Alix