« VNR » de Laurent Chalumeau

Il en faut du cran et de l’audace pour écrire deux ou trois mots sensés et bien tournés sur ce dernier Chalumeau. Car le style de l’ancien rédacteur de Rock & Folk est toujours aussi brillant et percutant.

Présenté comme un long cri de rage et de vengeance, VNR conte les délires meurtriers du personnage principal mis en scène comme un seul monologue ou folie et rationalité se mêlent pour le meilleur : notre plaisir de lecteur. Car le style de l’écrivain fait glisser le langage parlé au rang des émotions pures. Certes, le maître de cette alchimie reste Louis Ferdinand Céline. La démesure de Laurent Chalumeau vient de son imagination et d’une concision dans le récit, là où le docteur Destouches partait des tumultes de l’Histoire et des chaos de sa vie pour délirer sur des centaines de pages jusqu’à en devenir malade. On ne sait pas quels sont les brides de vérité chez Chalumeau (le paragraphe sur Springsteen à tous les coups), mais on connait le contexte historique (les délocalisations) et on dévore sans compter cette histoire où serial killer, humour et crise économique s’imbriquent parfaitement. Roman original dans tous les sens du terme, VNR et ses mensonges politiques laissent sur le carreau le peu d’humanité qui sommeillait en nous.

En un seul souffle, cette longue descente aux enfers réalise le fantasme de beaucoup : accuser les autres de notre propre incompétence et buter tous ceux qui ont causé la chute : le chef, l’homme politique, la psy… Un roman très noir en zone complètement sinistrée où l’égoïsme est devenu un art de vivre. Le pire, c’est de penser que de telles histoires n’arrivent pas plus souvent en Une du journal de 20h.

Hervé Devallan
« VNR » de Laurent Chalumeau aux éditions Grasset, 186 pages, 17.50€ – 4/5