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Lenine Mc Donald : « La rentabilité. Ce mot représente pour moi une certaine destruction de l’humanité. »

Il fut de l’aventure Jesus Volt avant de voler de ses propres ailes. Il lui est resté un nom en forme de slogan : Lenine Mc Donald. Entre soul et rock, sa musique charme autant qu’elle tranche avec la morosité ambiante. On avait envie de mieux connaître ce bassiste solitaire. Interview.

La première question s’impose : comment en arrive-t-on à choisir ce nom d’artiste, Lenine Mc Donald ?
C’est un long voyage qui date de 1998 et je crois qu’il continue encore sans pour autant avoir fait le tour de ce nom. C’est le chanteur de Jesus Volt, Lord Tracy, qui m’a appelé ainsi, à l’époque où nous écoutions l’album “The dope show” de Marilyn Manson. La vie est pour moi un étrange paradoxe. Tout ce que nous faisons de bien ou de mal peut faire naître et entraîner son contraire sans le savoir. La société est également ainsi, il y a tellement d’exemples qui le démontrent chaque jour. Une pièce a toujours deux faces, et qu’est-ce que nous renvoie notre miroir ? C’est l’éternel combat du bien et du mal, la fameuse note du diable. J’ai gardé ce nom parce qu’il interpelle et fait réfléchir et amène forcément à se poser des questions qui ne peuvent que nous faire avancer, la preuve en est.

Ton dernier album est sorti au printemps dernier, quel accueil le public et les médias lui ont réservé ?
J’ai le sentiment d’avoir touché les gens et d’avoir ouvert un peu plus grand la porte de mon univers. Les médias qui ont pris le temps d’écouter l’album sans se soucier de toutes les pressions qu’on leur met ont vraiment apprécié cet opus. La rencontre avec Frank Eulry qui a réalisé mon album a été extrêmement enrichissante et m’a fait grandir artistiquement. Je suis très heureux de cette collaboration et de cet album.
Malgré cela, il devient très dur d’être écouté et entendu au milieu du brouhaha médiatique crée aussi par les réseaux sociaux où tout le monde parle en même temps, que l’on ait quelque chose d’intéressant à dire ou pas.

Tu sembles passer discrètement du rock vers la soul avec certains accents moyen orientaux.
J’aime la musique au sens le plus large, et j’aime explorer et mélanger les univers. Cela vient aussi de mes découvertes musicales d’adolescent. Dans les premiers albums achetés, il y avait Led Zeppelin, Police mais également Lavilliers qui avait différentes influences comme le Brésil ou la salsa. Tout cela ouvre des portes vers les possibilités immenses de la musique et toutes les émotions qu’elle est capable de nous renvoyer.
De plus, Robert Plant et Jimmy Page avec l’album « No quarter » et ses influences orientales ont laissé des empreintes en moi. J’ai aussi beaucoup joué et écouté de soul en tant que bassiste. C’est tellement enrichissant et agréable à jouer. Les lignes de basses sont souvent incroyables. Les bassistes de la Motown ou de Stacks sont des références pour tous, Il y a le groove qu’elles procurent mélangé à une énergie proche du rock.
Quand à ma musique, je crois que je me laisse porter sans mettre de barrière, je ne veux pas m’enfermer dans un style et me dire : « ça me plaît mais ce n’est pas rock, ou pas assez blues. » Les influences arrivent d’elles-mêmes, je ne les repousse pas. Et je ne peux dire où m’amènera le prochain album…

Tu as de nombreuses activités entre deux albums. Peux-tu nous en dire plus ?
Je crois que je conçois ma vie artistique d’une manière transversale. J’ai plein d’envies et j’essaie d’en réaliser le plus possible. J’ai croisé différents univers, comme le théâtre de rue où la radio qui m’ont amené à d’autres façons de créer, et puis j’avais envie de publier tous ces textes qui n’étaient pas des chansons, ce que j’ai fait dans un recueil de poésie. Le théâtre de rue m’a donné envie d’être sur scène d’une autre manière et j’ai fait un spectacle pour enfant pour partager une vision du monde et parler du voyage musical que chacun de nous peut faire au cours de sa vie. J’ai ce besoin de créer, peu importe la forme, même si je reviens toujours à la musique. Ce qui me motive, c’est de partager mes émotions et de découvrir différents chemins pour y parvenir.

L’ambiance grégaire de Jesus Volt ne te manque pas ?
Jesus Volt est une étape fondamentale dans ma vie artistique par tout ce qu’elle m’a apportée. Je n’en ai gardé que les bons souvenirs. Bien sûr cela me manque par certains côtés, mais je ne regrette pas mon choix. J’étais arrivé au bout d’une histoire et je voulais passer à autre chose. J’avais en moi cette envie d’écrire et de chanter mes textes et cela était plus fort que tout.

Tu as habité Nantes. Une nouvelle manifestation pour la réunification a eu lieu fin septembre. Un vrai sujet en 2018 pour toi ?
J’ai quitté Nantes, il y a quelques années maintenant. Lavilliers chantait « on n’est pas d’un pays mais on est d’une ville » mais moi je me sens faire partie du monde avant tout. Il est important de savoir d’où l’on vient pour se construire mais je préfère remonter jusqu’au chasseur cueilleur que l’on était il y a des milliers d’années et pas à une ville, surtout dans ces temps modernes ou l’on ne fait pas assez attention à l’ensemble de l’humanité, des catastrophes écologiques et de cette crise sociale mondiale que l’on traverse une fois de plus avec un dérèglement des valeurs et une montée inquiétante du protectionnisme et du nationalisme. Je pense qu’il faut prendre du recul et se préoccuper de ce que l’on est en train de construire ou détruire sur notre jardin planétaire. Je ne dis pas que la réunification n’est pas un vrai sujet mais je suis tourné vers d’autres inquiétudes et préoccupations.

La crise du disque, on n’en voit pas la fin… Là encore, à l’image des GAFA (Google, Amazone, Facebook et Apple), c’est Deezer et Spotify qui ont pris le pouvoir ? 
Difficile de savoir qui a pris le pouvoir. Une chose est sûre, le grand perdant, c’est la diversité et les artistes par extension. La grande pieuvre internet qui prônait la liberté nous a enfermé dans des problématiques plus grandes encore qu’avant. Il faut rappeler que les maisons de disques ont signé des accords avec les GAFA où elles n’ont protégé que leurs propres intérêts et certainement pas celles des artistes. Je pense que la crise du disque fait partie d’une crise culturelle où ceux qui détiennent les rênes ne prônent pas la diversité parce qu’elle est à l’opposé de ce libéralisme à outrance qui ne jure que par un seul mot : la rentabilité. Ce mot représente pour moi une certaine destruction de l’humanité.

Le prochain album est-il déjà en route ?
Il n’est pas en route à proprement parler parce que j’en suis à défendre celui qui vient de sortir. J’ai fait un premier concert en septembre et je compte bien en faire d’autres. Les temps sont durs pour un projet comme le mien mais il a commencé ses premiers pas dans mon esprit et mon imaginaire, cela est certain !

Une question que j’aurai dû te poser et à laquelle tu as envie de répondre ?
J’ai envie de parler de la vie d’artiste. À savoir qu’il a été de tout temps compliqué, voir impossible de vivre de son art sans aide de la part des mécènes, des gens fortunés qui ont cette vocation, ou l’état. Mozart a été enterré dans une fosse commune, ne l’oublions pas. La fable de La Fontaine est explicite sur les cigales que nous sommes.
Cette liberté de vouloir vivre de sa passion a un prix. Je ne sais pas s’il est de plus en plus difficile d’être un artiste de nos jours mais j’aimerais simplement dire que c’est un engagement et une nécessité pour que la vie puisse avoir des couleurs et que l’art est essentiel à notre survie en tant qu’humain. J’aimerais que les gens l’entendent avant de porter un jugement.

Propos recueillis par Hervé Devallan

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