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« Playlist » par Christophe Ernault
De Schnock à Alister, Christophe Ernault cultive sa différence. Avec ce recueil, il trempe avec bonheur sa plume dans un exercice exigent – la nouvelle – et arrive en quelques phrases à sulfater des personnages aussi haut en couleur que définitifs.
La petite musique de Christophe Ernault est d’une noirceur à toute épreuve. Un mixe du rigodon de Céline et de « High fidelity » de Nick Hornby. On y meurt aussi souvent qu’on y classe le monde en deux catégories : ceux qui confondent « fenêtre » et « porte » et ceux qui confondent « oreiller » et « coussin ». Et bien sûr, on perd, passe et trépasse à chaque fois. Ici, seul le lecteur gagne à la lecture de ces quatorze petites histoires de morts inexorables, absurdes, drôles et sauvages comme autant de titres à un excellent album pop imaginaire. Car entre deux tristes destins de banlieue et des listes de courses, de femmes désirables, de supplices atroces et autres matchs de foot, le monde de Christophe Ernault explose en musique. A chaque histoire, sa bande son, des Beatles à Oasis en passant par Richard Strauss, tout fini mal en général, mais s’accompagne de sa bande son, comme un point de repère. Et puis, il y a cette étrange sensation de plonger au cœur des années 90, où la nostalgie traîne sa langueur monotone et n’avoue pas son nom. Les clins d’œil y sont constants remontant même jusque dans les années 70 avec une cuve de crème dans une usine qui n’est pas sans rappeler cet autre récipient de Chewing Gum cher à Gérard Oury et son Rabbi Jacob. Si le monde de l’auteur est absurde, voire caricatural, l’humour est son pendant naturel. Un fil rouge ponctué de citations allant de Kant à Woody Allen en passant par Céline bien sûr le célèbre proverbe mortainais : « Plus tu louches, moins tu vois ». A méditer.
Hervé Devallan
« Playlist » par Christophe Ernault aux éditions Antidata, 138 p, 9,5€
Revue Schnock