Rock Made in France

Nanogramme, Agence web paris nice, application web et mobile

Actu

Treponem Pal : « Je rêve d’être un crooner, mais je ne suis qu’un screamer »

C’est chez lui que Marco nous reçoit. Sans attendre, l’âme de Treponem Pal se tourne vers une pile de 45t qu’il détaille avec gourmandise. Les anecdotes et les souvenirs fusent. Car c’est un peu de son adolescence qui défile sous nos yeux. A l’heure où sort le 8ème album de Treponem Pal, le grand saut dans le temps est là devant nous.

Tu découvres la musique avec le 45t ?
Marco Neves :
Oui, à l’âge de 10 ans. Mon père était représentant et faisait ses pleins d’essence dans les stations Antar. Le pétrolier offrait à l’époque des 45t. Mais pas de la merde ! Enfin, pour l’époque. C’est comme ça que j’ai découvert James Brown, les Rolling Stones, même Titanic, un obscur groupe français, Majority One, un groupe anglais venu s’installer en France… En parallèle, mon père achetait tous les 15 jours, les N°1 du Hit-Parade. Il aimait la musique sans être spécialisé dans quoi que ce soit. C’est comme ça qu’est née ma culture musicale.

C’est ensuite que tu prends ton envol ?
M.N. :
Oui en regardant des émissions télé comme Blue Jean. C’est comme ça que j’ai découvert en 1978 le premier album de Van Halen avec David Lee Roth tout en cuir qui chantait « You really got me ». Alors là, j’ai pris une claque terrible. Puis, arrive H.I.P H.O.P. à la télé en 1984. Je viens des quartiers….

Et le punk ?
M.N. :
J’ai découvert le punk quand il est arrivé, même si je n’étais pas punk en 1977. Un copain d’école m’avait prêté « Never mind the bollocks » et là j’ai rien compris.  Moi j’écoutais du hard rock à l’époque. Peu de temps après, je pars en Angleterre et j’achète l’album des Sex Pistols. Nous sommes en 1979. De là, je reviens en France et je traîne chez Music Box, une boutique où se trouvait les futurs mecs de New Rose. Là j’ai acheté les Dead Boys, Edith Nylon, Generation X. Bref tout ce qui débarquait !

Comment arrive-t-on du punk au Metal Indus de Treponem Pal ?
M.N. :
En fait, cette déferlante punk a été une explosion de différentes formes d’expressions qui ont débouchées sur la new wave, la cold wave, la musique industrielle, le goth rock avec Bauhaus, le hardcore qui arrive aussi au début des années 80 avec Black Flag aux Etats Unis et Discharge en Angleterre, sans oublier la fusion puis le métal. Nous, la bande de copains de Rosny-sous-Bois, on a naturellement fusionné toutes ces influences en cherchant l’extrême, le violent, le tripé. On kiffait le Hip Hop aussi. Un peu partout dans le monde, c’est le même phénomène. En Suisse se forment les Young Gods, en Grande Bretagne Godflesh et Head of Devil et aux Etats-Unis, Ministry.

Tous ces groupes formaient une même scène ? Vous échangiez ?
M.N. :
Oui. On est tous arrivé en même temps comme si on avait eu le même sentiment de se dire : « On va compiler des trucs ». Les Young Gods on les a rencontrés via des amis en Angleterre. Ils démarraient. On a été les voir alors qu’ils jouaient devant 10 personnes au Rex. On est devenu potes et Franz Treichler a produit en partie notre premier album et entièrement le troisième. Roli Mosimann, le producteur des Young Gods et batteur des Swans a produit notre deuxième album. Et au même moment, vers 1986, arrive Godflesh avec qui on tourne en Angleterre.

La carrière internationale de de Treponem Pal démarre immédiatement ?
M.N. :
Ce qui nous fait démarrer à l’international, c’est une démo 2 pistes – une tuerie – enregistrée par un mec incroyable, Didier Tillit qui travaillait au studio BMT à Porte de Pantin. Il s’est trouvé que le journaliste d’un magazine de Heavy Métal, Phil Pestilence, nous a écoutés et nous a dit : la semaine prochaine, je vais présenter des groupes français au label Roadrunner, au Pays-Bas, filez-moi votre démo.

C’est donc le deal avec Roadrunner qui vous permet de tourner à l’étranger ?
M.N. :
Exactement. On a signé pour 7 albums, un truc de dingue. En France, personne ne voulait de nous. Je connaissais bien la scène alternative rock française puisqu’avec mon premier groupe Les Martyres, on avait fait une cassette sur le label VISA. C’était le premier label à sortir des formations françaises news wave alterno punk comme Bérurier Noir, Lucrate Milk, etc. Dès 1979, j’évoluais avec cette scène émergeante. Mais ils chantaient en français. Nous c’était l’anglais. Le rock français, j’en n’ai strictement rien à foutre. Ce qui m’importe, c’est l’impact.

Et tout de suite vous foulez les scènes européennes ?
M.N. :
Direct. On est parti jouer avec Godflesh, les Young Gods. On a été invité par Nine Inch Nails sur quatre dates en Europe : Londres, Prague, Vienne et Berlin. Puis Sepultura nous demande en première partie. Une semaine après Prong fait de même, on a dû refuser Sepultura…. On tourne aussi avec Kiliing Joke et sur trois dates avec Faith no More…

« Scraemers » est le 8ème album studio de Treponem Pal. Le dernier est sorti en 2017. La faute au Covid ces 6 années ?
M.N. :
En partie oui. Mais on a continué à travailler à distance. C’est le temps qui nous fallait pour construire quelque chose de solide. On voulait vraiment un gros son. On a fait l’album en deux temps. On avait réalisé une première version et en fait ça n’allait pas. Il fallait recommencer. C’était en 2021. On a refait les voix, la puissance du son, la construction et l’habillage des morceaux, des textes différents… Tout quoi !

« Tu vas pas le croire, on s’est retrouvé en Normandie dans une déchetterie ! »

Avec ou sans Covid, l’album aurait pris autant de temps ?
M.N. :
Oui, on avait nos autres projets en parallèle. Il fallait le temps de se dire, on y va. Que chacun s’engage. Ce n’est pas toujours évident. Là, ça a marché. On a pris une nouvelle équipe. « Screamers » a été enregistré par moi-même, Didier Bréard aux claviers et samplers, Guillaume « Polak » Lepert aux guitares et Jean-Pierre Mathieu à la programmation, aux basses et au mix. On avait déjà bossé avec lui sur les deux derniers albums. Pour la scène et pour l’avenir, on a décidé de prendre un nouveau bassiste, Nicky Tchernenko, et un batteur, Bastien Any. Et puis, il y a le retour de Laurent Bizet qui était là sur le premier album. On s’était perdu de vue… Et tu vas pas le croire, on s’est retrouvé en Normandie dans une déchetterie ! On habite à 15 kms l’un de l’autre ! De fil en aiguille, on s’est revu. On aurait pu tourner avec un seul guitariste et des samplers. Mais Laurent c’est un tueur. Deux guitaristes, ça garantit un impact visuel fort.

La tournée avec Ministry aux Etats-Unis reste un bon souvenir ?
M.N. :
Lors d’un concert sur Paris, Al Jourgensen de Ministry s’est retrouvé sans ampli basse. Je le dépanne et on devient pote. Peu de temps après, il nous invite moi et Michel, sur le festival Lollapalooza de Chicago en 1992. Là, c’est le gros choc. C’est une autre dimension, t’as les flics partout, même dans les loges. Tout est plus grand, plus extrême, en bien ou en mal. C’est une expérience incroyable. C’est comme ça que j’ai vu Ice Cube. Eux étaient armés, ils braquaient leurs flingues sur le public. C’était un public 100% blanc ! Sur la petite scène, jouait Cypress Hill. Ils n’étaient pas connus, mais on commençait à parler d’eux. Y’avait aussi Jesus and Mary Chain, Pearl Jam. Eux jouaient tôt parce qu’ils ramenaient du monde, Soundgarden et la tête d’affiche, les Red Hot Chili Peppers. Et tous ces groupes partaient ensuite en tournée américaine sur 30 ou 40 dates. Au final, on est resté trois mois au sein de Ministry.

Treponem Pal jouait à quelle heure ?
M.N. :
Non, non, ce n’était pas Treponem Pal. C’était Michel et moi au sein de Ministry. Les gens se trompent souvent. On n’a jamais tourné sous le nom de Treponem Pal aux Etats-Unis. Mais, le fait de jouer avec Ministry nous a donné une certaine reconnaissance. La presse en a parlé. En revanche, quand ils viennent en Europe, on joue avec eux sous le nom du groupe.

Pendant la séparation en 2001, tu te tournes vers le dub reggae ?
M.N. :
Je suis un très gros fan de reggae. Dans ma collection de disques, j’ai plus de reggae dub que de rock industriel. J’ai sorti mon disque Elephant System.

Et passer d’un univers à l’autre ne te pose pas de problème ?
M.N. :
Pour nous ça a été naturel.  J’ai commencé par faire un Sound System qui s’appelait Dub Action en 1997. Didier Bréard m’a rejoint. On a été les premiers à faire venir le Dub anglais qui explosait. On a rencontré Adrian Sherwood qui a produit Ministry, Nine inch Nail, mais aussi tout ce que compte le Dub. Le mec a une immense ouverture musicale. Il sait faire sonner les choses. Avec Dub Action, on s’est retrouvé à tourner en Europe avec lui. On est devenu pote. Je lui ai fait écouter les démo d’Elephant System qui était en construction. Et il a accepté de nous produire.

Entre Dub et Indus, le public suit ?
M.N. :
Non. La fan base de Treponem Pal a détesté. Toujours ces histoires d’ornières.

Tu as été tenté par le Hip Hop ?
M.N. :
Non. J’ai toujours kiffé le hip hop, mais…. Par exemple, un des premiers concerts de NTM c’était avec nous à Poitiers. Ça devait être en 88. Ensuite on a rejoué avec eux. Là, ils sont passés en tête d’affiche (rire). La sauce NTM commençait à prendre avec un crossover qui mélangeait le hip hop et métal comme Public Enemy l’a fait avec Anthrax. Le public était bien pour les deux. Je ne garantis pas que 10 ans après, Treponem Pal ne se soit pas fait jeter. Ceci dit, on travaille avec Dee Nasty. On devrait sortir un maxi ou un EP de titres tirés de l’album « Screamers » avec eux. Des morceaux mixés et rechantés avec le groupe. Il a déjà fait des remixes pour nous. Et pour Elephant System également. On se connaît depuis longtemps.

Pourquoi le contrat Roadrunner s’est arrêté ?
M.N. :
Arrivé au 3ème album, on décollait sévère. Ils nous ont demandé de tourner avec un groupe de Death Metal qui s’appelait Carcass. Des mecs supers, mais avec des fans de 18 ans qui me faisaient des doigts pendant que je chantais ! Leur public, c’était des ados Death Metal. Mais on l’a fait. Après, ils n’ont pas voulu réinvestir ce qu’on voulait. Et il s’est passé un truc incroyable : un jour je reçois un coup de fil de la Hollande. C’était Roadrunner qui m’informait qu’il fallait que je signe un avenant si non notre contrat s’arrêtait ! Mon manager me dit : répond surtout pas ! Ils ont fait une erreur, le contrat est nul. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé libre. Le truc de dingue.

Comment arrive la Major Mercury ?
M.N. :
Suite à notre départ, les maquettes d’« Higher » se retrouvent sur le bureau de Dany Goldberg, un ponte de Mercury USA. Le mec accroche et il appelle Mercury France en leur demandant de nous signer. Je pense que Mercury France n’en avait strictement rien à branler à la base, mais comme ça venait du siège… On a signé et on est parti à Seattle enregistrer le disque. Mais c’est une aventure à deux vitesses. Autant Roadrunner n’avait pas la puissance de feu d’une major, mais ils avaient les réseaux, autant avec Mercury, on a eu la reconnaissance, mais on était noyé dans la masse. En termes de promo, on était insignifiant. Bref, ça s’est mal passé.  Du coup, on a sorti qu’un seul album. Et c’est là que je bascule sur mon disque Reggae.

Au contraire du précédent album « Rockers vibes », aucune cover sur ce disque. Pourquoi ?
M.N. :
A l’époque, j’étais parti sur un album 100% reprise. Mais, je n’ai pas eu assez de morceaux. Et comme on avait d’autres titres déjà prêts, on a fait moitié moitié. Dans les reprises, il y a « Hear me calling » de Ten Years After repris à la façon Slade sur leur Live. Un disque qu’un de mes voisins m’avait offert quand j’étais gamin ! Il y a aussi une reprise de Slade. On a aussi joué « Are you ready » de Thin Lizzy, « Some Velvet morning » de Lee Hazlewood ! Je suis fan de crooner, je rêve d’être un crooner, mais je ne suis qu’un screamer. Il y a aussi Tom Waits, les B 52’s, Dead Boys.

Propos recueillis par Hervé Devallan
Photos : Cyril Bitton

Screamers (At(h)ome)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Abonnez-vous à notre newsletter

Retrouvez nous sur Facebook

    Les bonnes infos





    Les bonnes adresses