Encyclopédie du Rock
La Souris Déglinguée
LSD est la définition même du groupe mythique qui a su rassembler un noyau dur de fidèles fanatiques réunis au sein du Raya Fan Club. Tendance rock révolté et engagé propre aux groupes punk de la même période (après la première vague très parisienne et souvent bourgeoise de 1977), La Souris Déglinguée continue encore aujourd’hui à porter la bonne parole à la jeunesse enragée (raya). Un discours tourné vers le Vietnam et la banlieue (double origine revendiquée du chanteur Taï-Luc) aux accents rock, rap et dub. Véritable passerelle entre les genres musicaux, il n’était pas rare de rencontrer des groupes de Rap comme NTM à leur première partie. Le discours vindicatif de LSD n’est en effet pas très éloigné du flow des rappeurs des cités. En revanche, leur parcours intransigeant et radical les place résolument du côté obscure des punks et des skins : salles dévastées, interdiction de concert à Paris, nombreuses maisons de disque dont l’étrange Kuklos pour le deuxième album, le label de… Daniel Guichard ! En 1994, c’est la rupture avec le départ de Jean-Claude Dubois et de Jean-Pierre Mijouin puis une certaine incursion dans la world music avec l’album “Banzaï” puis en 1995 l’atypique “Tambour et soleil” qui réussit pour la première fois à placer des chansons sur les ondes d’RTL et autres NRJ. Ce qui n’empêche pas au groupe de conserver le respect dû à son intégrité et de continuer sa route en marge des Top 50.
Si l’histoire officielle de La Souris Déglinguée commence en 1979 avec l’arrivée de Jean-Claude Dubois à la batterie, le groupe existe en fait depuis 1976 lorsque au lycée Hoche de Versailles Tai-Luc et Jean-Pierre Mijouin s’exercent à la guitare. Un duo rapidement rejoint par les copains Jean-Pierre Triquet à l’harmonica, Xavier Vercken à la batterie et Sylvain Fabre au chant puisqu’il connait par cœur les chansons de Lou Reed et du Velvet ! Aucun bassiste en revanche…. Cependant, trouver un nom de groupe devient rapidement indispensable : le premier concert à Orléans est en vu. “On voulait quelque chose qui soit une sorte de Mickey pété, déglingué, “hallucinogéné”” explique Hervé Philippe, ami et manager de la bande dans “La Souris Déglinguée, Histoire d’un groupe de rock’n’roll” par Olivier Ricard aux éditions Camion Blanc. Il semble que ce ne soit qu’ensuite qu’ils se rendent compte que l’acronyme avait un double sens…
En 1977, arrive le bassiste tant attendu en la personne de Michel Ricard alias Rikko. Jusqu’en 1979, le groupe va alors être constitué de Tai-Luc (chant, guitare), Jean-Pierre Mijouin (guitare), Rikko (basse), du batteur Michel Ramagnoli et d’un troisième guitariste Michel Barreau. Préférant les Eagles aux Jam et autres Sham 69, ces deux derniers sont remerciés en 1979. Le trio se met alors à la recherche d’un nouveau batteur qui sera le très rockhabilly Jean-Claude Dubois après une petite annonce passée chez Star’s Music à Pigalle. Cette même année, le groupe quitte Versailles pour s’installer définitivement à Paris. C’est l’acte de naissance officiel.
Après un 45t financé en 1979 par Hervé Philippe, c’est le public de LSD qui va faire la différence en déplaçant les comptes rendus de concert de la rubrique “Musique” à la rubrique “Faits divers”, notamment lors du saccage de L’Opéra Night en 1981. Du marketing accidentel qui permet au groupe d’attirer l’attention. C’est ainsi que le canadien Denis Wolf signe les parisiens sur son label Flop Records fraîchement créé. Le premier disque éponyme enregistré, c’est New Rose qui distribue l’album et en écoule 15 000 unités. Un bon score qui prouve que les paroles de Tai-Luc dépassent le petit cercle des initiés rasés et crépus de Paris et sa banlieue. Fort de cette reconnaissance, le second album est enregistré dans la foulée. Pour une sombre histoire d’argent, le label de Patrick Mathé n’est pas retenu pour le distribuer. Par connaissance interposée, c’est la nouvelle maison de disque du chanteur de variété Daniel Guichard qui est retenue.
La vie de LSD va ainsi être ponctuée de rencontres étonnantes. Ainsi, c’est bien Slim Pezin, le guitariste de Johnny Hallyday et de Michel Sardou qui va produire de très swing « Eddy Jones » en 1986 ou encore le guitariste Yves Chouard (ex Little Bob, mais aussi musicien de Daniel Balavoine et de Renaud qui va réaliser « Quartier Libre » en 1888. Le réseau des potes n’est pas en reste : le copain du frère d’Olivier Claisse (roadie du groupe) n’est autre que le breton Michel Gefflot, dit Muzzo, saxophoniste de La Souris depuis 1983 ; un ami de la copine de Rikko est Thierry Mathieu, second sax pendant des années, etc. Car la fidélité est également un des maîtres mots de l’histoire du groupe comme le prouve les deux chansons dédiées à Jean-Pierre Triquet ou ce fameux poste de manager plusieurs fois confié à Hervé Philippe (premier jet d’éponge en 1985 !), sans oublier les départs en 1994 de Jean-Pierre Mijouin et de Jean-Claude Dubois qui…sont toujours officiellement membres de La Souris Déglinguée ! Simplement, « ils ne vont plus aux répétitions, aux concerts et aux enregistrements des albums ». La preuve ? JP n’a jamais été remplacé et Cambouis a longtemps été « batteur supplétif ».
L’équité et l’égalité sont également au rendez-vous. Pour les concerts, des roadies (le photographe et roadie Olivier Claisse et Emmanuel Saunier en tête !) aux musiciens, tout le monde est rétribué de la même façon. Pour les avoir suivit pendant 3 ans au début des années 80, l’écrivain et journaliste Laurent Chalumeau peut en témoigner ! Enfin, dissocier La Souris et l’Asie est impossible. Taï-Luc y veille jalousement – mais pas exclusivement – depuis les premiers pas du groupe. Ajoutons à cela un parcours qui flirte désormais avec les 40 années de bons et loyaux services à la cause punk, oï et indé.
En revanche, LSD a toujours été trop. Trop banlieue lors de la première vague punk parisienne (Métal Urbain, Asphalt Jungle, Stinky Toys), trop Oï alors que la New Wave envahissait les ondes au début des années 80, trop précurseur, puisque déjà sur les rives du Mékong alors que la mode de l’Asie s’empare de la scène française (du nom de groupe Indochine à l’album Seppuku de Taxi Girl), trop vieux (sic) lorsque Bérurier Noir et autres Garçons Bouchers reprennent le flambeau d’un rock engagé. Trop reggae alors que la World à la Mano Negra envahit le pays, etc. Et surtout, ils n’ont jamais réussi à vivre de leur musique (ils ont tous des jobs à côté). Les concerts c’est le week-end et les tournées ont lieu pendant le mois de congés annuel !
La Souris Déglinguée tire sa révérence avec la mort de Taï Luc début décembre 2023.
A ranger entre OTH et Oberkampf
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Avant et pendant La Souris Déglinguée
Jean-Claude Dubois a débuté au sein des Rockin’s Loup.
Véritable stakhanoviste de la scène punk rock française, Jean-François Juvanon aka Cambouis a fait parti de Prop’Sack (1981/1982), Ann Et Les Fils de Joie (1982), Wunderbach (1981/1984), Henri-Paul et les Intouchables puis les Bootboys, sans oublier Gogol 1er, Les Vierges et Parabellum (1984-1986), mais également Karbala 413 (avec Géant Vert ex parolier de Parabellum et le dessinateur de BD Philippe Vuillemin à la guitare), Fel, Acapulco Gold et Tio Manuel. Il gagne sa vie en travaillant dans la déco au cinéma.
Michel Gefflot aka Muzo fait des extras sur l’album « six balles pour un colt » (77 records) des limougeauds de Raff, mais aussi avec les Ejectés en 1990 sur l’album « Glauque City Tej » (Musidisc), Gogol 1er en 1999 ou encore avec Karbala 413, Acapulco Gold (avec Thierry Mathieu, Pédro Gonzalès et Cambouis) et 8.6 Crew. Dans le civil, Muzzo est architecte d’intérieur.
En 2007, Taï-Luc fait un accroc au contrat LSD et sort son premier album solo,« Jukebox » qui revisite 15 chansons parmi les plus écoutées du chanteur pendant sa jeunesse au début des années 70. En 2014, il est toujours enseignant à l’Inalco (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) au département spécialiste de l’Asie du sud-est.
Pédro Gonzalès joue dans un groupe de jazz, Cold Sweat.
Entre deux solos de sax, Michel Ricard aka Rikko est toujours comptable…
Que sont-ils devenus ?
Depuis 2017, Taï Luc Nguyen Tan (1958 – 2023) tient une échoppe de livres quai de Gesvres à Paris. Les fameux bouquinistes de Paris. Il ne connaîtra pas le démantèlement des boîtes vertes du bord de Seine pour les JO 2024 : il décède en décembre 2023.
En 1979, Michel Ramagnoli et Michel Barreau montent le groupe Etat d’Urgence
Après son départ de La Souris Déglinguée, en 1994, Jean-Claude Dubois rejoint les Invendables, puis les Herberts qui deviennent les Bad Lieutenants en 1996, un groupe aux nombreuses et diverses influences : punk, rock, garage, oi, ska, reggae, soul, fifties, etc. Trois titres pour l’émission « MCM sessions » et plusieurs disques témoignent de ce melting pot musical. Jean-Claude quitte le groupe en 2001.
Jean-Pierre Triquet décède en 1987. Dès 1976, l’harmoniciste de LSD quittait Versailles pour Orléans où il transformait les Important en Civils Radio (et le punk en pub rock) qui allait sortir son unique LP en 1984 sous la houlette du parolier de Bijou. Intermittent de La Souris, on le retrouve néanmoins à plein temps en 1979 et 1980 où il remplace Jean-Pierre Mijouin parti au service militaire. La Souris Déglingué va lui dédier 2 titres : « Fais pas le con » en 1983 après une tentative de suicide et « Parti sans dire adieu » en 1988.
Fiche technique de La Souris Déglinguée
Ou : Paris
Quand : entre 1976 et 2023
Site Internet
Genre : Rock
Line up
1977 – 1979 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Jean-Pierre Mijouin (Guit) – Michel Ricard aka Rikko (basse) – Michel Ramagnoli (Batterie) – Michel Barreau (Guit)
1979 – 1983 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-Pierre Mijouin (Guit) – Jean-Claude Dubois (Batterie)
1983 – 1991 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-Pierre Mijouin (Guit) – Jean-Claude Dubois (Batterie) – Michel Gefflot aka Muzo (Sax)
1991 – 1994 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-Pierre Mijouin (Guit) – Jean-Claude Dubois (Batterie) – Michel Gefflot aka Muzo (Sax) – Thierry Mathieu (Barython)
1994 – 1995 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-François Juvanon aka Cambouis (Batterie) – Michel Michel Gefflot aka Muzo (Sax) – Thierry Mathieu (Barython)
1995 – 1999 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-François Juvanon aka Cambouis (Batterie) – Michel Michel Gefflot aka Muzo (Sax) – Thierry Mathieu (Barython) – Pédro Gonzalès (Trompette)
1999 – 2003 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-François Juvanon aka Cambouis (Batterie) – Michel Gefflot aka Muzo (Sax) – Pédro Gonzalès (Trompette)
2003 : Taï Luc Nguyen Tan (Chant, Guit) – Michel Ricard aka Rikko (Basse) – Jean-François Juvanon aka Cambouis (Batterie) – Michel Gefflot aka Muzo (Sax)
Sans oublier Olivier Pujol (Claviers) sur plusieurs albums et sur scène à partir de 1991
Albums
1979 : SP « Haine haine haine » (Auto production) – 500 ex
1981 : “La Souris Déglinguée” (Flop Records / New Rose)
1982 : EP « Une cause à rallier » (Flop Records / Kuklos)
1983 : « Aujourd’hui et demain » (Celluloïd)
1984 : « La cité des anges » (Celluloïd)
1986 : « Eddy Jones » (Blue Silver)
1988 : Compilation / Remix « LSD 80-84 Raya fan club » (Celluloïd)
1988 : « Quartier libre » (Musidisc)
1989 : Live « Paris 23.05.89″ (Musidisc)
1989 : Compilation « International Raya Fan Club »
1991 : « Banzaï » (Musidisc)
1993 : « Ganeko Yoriko meets LSD in Paris »
1993 : Remix « LSD Remix 2536 »
1995 : « Tambour et soleil » (Musidisc)
1997 : « Beaucoup de libertés 80-84″ (Last Call)
1997 : « Granadaamok » (Musidisc)
1997 : Compilation « LSD 80-84 Beaucoup de liberté »
1999 : Live « Lyon 84″ (Mélodie)
2002 : « L.S.D. » (Universal / Mélodie)
2003 : Live « Bataklang »
2005 : « Mekong » (Last Call)
2006 : Live « Glaz’art » (Last Call)
2009 : « As tu déjà oublié ? » (Clandestines).
2010 : Live « Secret Palace »
2014 : « Les toits du Palace »